Interview – Nous avons eu la chance de discuter avec Amedeo Pace, guitariste de Blonde Redhead, avant le concert du trio noise rock new-yorkais au Trianon à Paris.
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« Il y a une fille japonaise avec laquelle vous aimeriez jouer de la musique »
Salut Amedeo. Dis nous, comment vous êtes-vous rencontrés tous les 3 ?
Nous nous sommes rencontrés grâce à un ami. Simone et moi étions en Italie pour l’été et il nous a dit : « Il y a une fille japonaise avec laquelle vous aimeriez jouer de la musique, elle vient de déménager à New York ». Nous sommes donc retournés à New York et nous avons immédiatement commencé à jouer ensemble. Enfin, pas immédiatement. Nous avons d’abord appris à nous connaître et ensuite j’ai commencé à jouer de la musique avec elle, juste nous deux. Puis je lui ai dit que j’avais un frère, il s’est joint à nous, et c’est tout.
Votre nom Blonde Redhead vient d’une chanson de DNA. Pourquoi avez-vous choisi ce nom ? Le choix signifie-t-il quelque chose encore 20 ans plus tard ?
Nous l’avons choisi parce que Ardo de DNA était un très bon ami. Nous avons adoré cette chanson, Blonde Redhead. C’est Kazu qui a eu l’idée. Ce nom pouvait signifier plusieurs choses ou rien. Mais je pense qu’il est encore pertinent aujourd’hui parce que c’est nous. Il nous définit, même des années plus tard.
Vous aimez toujours cette chanson ?
Ouais, beaucoup ! [rires]
Vous avez récemment publié votre nouveau single, 3 O’ Clock, qui fait partie du prochain EP de Blonde Redhead. En quoi est-il différent des autres ?
La façon dont nous l’avons fait était différente. Nous sommes allés à l’Est de New York et avons écrit quelques nouvelles chansons. Ce n’était pas censé être un nouveau single. C’était simplement nous. Nous avons enregistré ces morceaux avec un gars avec lequel nous n’avions pas vraiment travaillé auparavant. C’est venu très spontanément. Nous avons eu six semaines pour enregistrer. Nous nous sommes simplement poussés à faire quatre chansons, car un EP est plus important qu’un simple single.
« Composer, c’est faire des erreurs »
Vous avez souvent été comparés à Sonic Youth au début. Cette comparaison a-t’elle eue une influence sur votre musique ?
Nous n’avons jamais essayé de l’éviter, car nous ne nous sommes jamais dis que ce que nous faisions était comme leur musique. J’aime leur façon de penser la musique. C’était très inspirant parce que Simone et moi viennent d’un endroit où personne n’avait encore écrit de musique. Ils apprenaient, c’était le début. D’un jour à l’autre, Kazu a voulu jouer de la guitare, alors nous avons créé des pistes faciles pour la guitare dans nos chansons. Sonic Youth nous a aidé à voir les choses différemment.
Cela ne m’a jamais ennuyé d’être comparé à eux, sauf lorsque les critiques ne faisaient que mentionner cela. Nous ne nous sommes jamais sentis comme « ok, il ne faut pas que Blonde Redhead sonne comme eux ». Nous nous sentions très différents.
Quelles sont vos plus grandes influences maintenant ?
J’écoute beaucoup de différents styles de musique : musique ancienne, rétro, bandes originales, musique du Brésil… J’écoute aussi pas mal de nouveaux groupes, comme Grizzly Bear, Deerhunter. Et des groupes très artistiques qui ne suivent pas une certaine formule pour faire des tubes qui leur permettent de faire de l’argent pour toujours. C’est une approche très intéressante.
Mais quand il s’agit de l’écriture, cela ne vient pas de ce que j’entends ou vois, mais de l’intérieur, de ce qui est à l’intérieur de moi et s’amorce de façon inattendue. Il s’agit de faire des erreurs. Être dans la même pièce que Simone aide beaucoup. Les chansons peuvent provenir de ces erreurs, ou tout simplement des choses que vous entendez. Il peut également s’agir de lieux que vous n’avez jamais visités, dont vous avez entendu parler quelque chose comme deux ou trois ans auparavant.
« Jouer en live me rend nerveux »
Avez-vous des préférences pour le studio ou le live ?
Les deux sont très différents. J’adore l’enregistrement. Je ne sais pas comment les comparer, c’est comme manger et cuisiner ! [rires].
Les deux choses sont amusantes, mais jouer en live me rend nerveux. J’aimerais ne pas me sentir comme ça. Parfois, vous voulez éviter le live. Si un concert est annulé, je me sens un peu soulagé parce que je n’étais pas forcément prêt. Je ne suis jamais vraiment prêt à jouer en live. C’est un peu un défi pour moi… L’enregistrement est plus intéressant, je n’ai pas cette peur, et il y a la possibilité d’expérimenter de nouvelles choses. Mais les deux sont très différents.
Dans quel pays trouvez-vous votre public préféré ?
Parfois, la foule est très respectueuse. C’est difficile parce que tout le monde veut écouter notre musique, et ils deviennent très timides.
Au contraire, c’est formidable d’avoir une foule très interactive. Nous sommes allés en Espagne, le public était très sauvage là-bas. Alors qu’à Londres ils étaient tranquilles. Ce qui se passe entre nous et la foule, c’est un autre type d’énergie. Si nous nous sentons bien, ce n’est pas grave.
Si vous deviez choisir 3 ou 4 chansons pour ceux qui ne connaissent pas Blonde Redhead, quelles seraient-elles ?
Je leur jouerais… Déjà, une chanson très chère à moi. Dans notre premier album, il y a Girl Boy (Blonde Redhead, 1994). Je l’ai enregistrée dans ma chambre, puis je l’ai donnée à Kazu pour qu’elle y rajoute sa voix. C’était la toute première chanson que j’ai écrite.
Ensuite, il y a des chansons comme Bipolar (Fake Can Just Be as Good, 1997), Down Under (La Mia Via Violenta, 1995), Elephant Woman (Misery is a Butterfly, 2004, 4AD), Dr Strangeluv (23, 2007, 4AD)… Et dans les albums récents, je dirai Dripping, The One I Love, (Barragán, 2014) etc.
Conseil d’Amedeo Pace : « Acceptez vos limites »
Quels seraient vos conseils à un groupe qui débute en ce moment ?
Je dirais qu’ils devraient accepter leurs limites. Il me semble que nous avons toujours été limités quand il s’agissait d’écrire de la musique pour Blonde Redhead. Ils devraient également se concentrer sur le développement des parties d’eux-mêmes qui ont la plus grande profondeur, celles qu’ils pourraient vraiment exploiter (même si c’est la pire). Et enfin, soyez très artistique et surtout différenciez vous bien des autres.
Parlons maintenant de la politique [rires]. Vous connaissez déjà ma question ! Que pensez-vous du nouveau président des États-Unis ?
C’est très actuel de parler de la politique. Une partie de moi est très confuse quant à la raison pour laquelle tant de personnes ont voté pour lui. Quand je vois leurs réactions, je me dis « Vous l’avez voulu, maintenant vous l’avez ! ». Mais je pense que je suis une personne positive. Quelqu’un qui est aussi ignorant et cruel peut faire quelque chose d’inopinément bon. Il pourrait être un désastre ou alors il pourrait nous surprendre : il pourrait rendre le pays plus fort, d’une autre manière.
Evidemment je ne crois pas qu’il va faire quelque chose comme ça, mais j’essaye de l’imaginer.
Les États-Unis ont de gros problèmes sur beaucoup de sujets, comme le Health Care, mais c’est aussi un beau pays où vivre. Nous nous sentons très libres ici. Mais j’ai peur, comme tout le monde.
Puisque nous avons demandé ça à chaque groupe et artiste depuis quelques années, quel est votre album préféré des Beatles ?
J’adore Abbey Road, mais je pense que mon préféré est celui avec Taxman, Revolver.
Merci Amedeo d’avoir répondu à nos questions, et bonne chance pour ce soir (le live report ici) !
Merci à vous !