Pour cette nouvelle chronique, on explore ensemble le premier album Chaos for the Fly de Grian Chatten, leader de Fontaines D.C.
A peine remis de la tornade Skinty Fia, troisième opus du quintet de Dublin Fontaines D.C., qu’une nouvelle déflagration secoue le monde du rock en cet été 2023. Mais cette fois, c’est une aventure solo qui nous happe et nous titille l’oreille. Grian Chatten, leader du groupe Fontaines D.C., a pris les chemins de traverse en se frottant à l’exercice du seul en lice avec l’album Chaos for the Fly.
Nul ne peut pourtant dire que les Dublinois s’ennuient depuis la création de Fontaines D.C. en 2017. Il y eut d’abord la révélation avec les premiers singles en marge de l’album Dogrel et s’ensuivit une tournée hors-norme avec cent-vingt dates en quelques mois seulement. La suite, on la connaît : un second long format tout aussi remarquable. Et l’an dernier, le grandiose Skinty Fia qui les propulse parmi les groupes phares du mouvement post-punk avec de beaux classements charts durant de longues semaines.
Après Fontaines D.C., explorer de nouveaux horizons…
Après tout ça, un repos bien mérité pouvait s’entendre pour savourer cette période intense et hors-norme, nos jeunes rockers parlaient alors d’épuisement physique et même psychologique.
Et là, contre toute attente, le chanteur Grian Chatten dégaine son arme secrète : un album solo, et quel album !
Alors on entend ici et là des supputations sur l’avenir de la formation initiale. Je ne pense pas que ce soit déjà une fin programmée. L’écriture de ce disque solo Chaos on the Fly se faisait quasi en parallèle de la tournée mondiale de Skinty Fia, il n’y aurait donc pas de réaction de saturation débouchant sur un nouveau plan. Et Grian Chatten dans ses déclarations à la presse est assez clair sur cette aventure bis. Il évoque plus une envie d’explorer un champ plus intimiste, plus éclectique, en marge du rock fougueux qui caractérise le combo irlandais.
« Je sais où nous allons en tant que groupe, ce n’est pas là que je veux aller avec ce disque. Je voulais exprimer quelques aspects excessifs de mon âme. » Il s’explique aussi sur le caractère épuré de ces neuf nouvelles pièces : « le sentiment d’avoir la chanson dans la paume de votre main, le contrôle de l’avoir juste avec vous et votre guitare ».
Orchestration travaillée et chant posé pour Grian Chatten
Il semble donc évident que cette douce parenthèse n’efface rien, c’est bien une envie de se frotter à la poésie, d’ouvrir son coeur et livrer une écriture plus touchante et introspective.
Et c’est cela qui surprend d’emblée à l’écoute de Chaos on the Fly. Grian Chatten n’a jamais été aussi intime, fragile parfois et toujours juste. Dès l’entrée sur The Score, on perçoit une orchestration hyper soignée, la voix de velours de Grian nous touche et nous emporte. Plusieurs morceaux sont aussi sublimés par des choeurs féminins avec notamment la compagne du chanteur, Georgie Jesson, sur Last Time Every Time Forever et Bob’s Casino.
L’ensemble est globalement assez éloigné de l’énergie animalière de Fontaines DC, le chant parfois gouailleur de Grian est remplacé ici par un timbre plus posé. On peut qualifier ces nouvelles compos de pop-folk mélodique. Comme le décrit lui-même notre jeune irlandais, les chansons vont à l’essentiel, efficaces et simples, sans superflu aucun.
En réalité, seul le single Fairlies nous renvoie à la formation initiale, c’est un peu le titre relais qui passe le témoin entre les deux univers. On y retrouve l’énergie, la même voix fougueuse mais aussi la mélodie et l’orchestration soignée.
Cette sortie remarquée et remarquable de Grian Chatten rappelle celle de Matt Berninger en marge de The National et celle de Stuart Staples sans Tindersticks. Dans ces trois aventures, juste des tentations de tentatives, des envies de chanter autrement, oser l’intime et le dépouillement total. Pour chacun d’eux, rien n’efface l’oeuvre entamée, tout se complète et s’enrichit vers de nouveaux paysages sonores…
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Superbe