30 ans déjà… Je me souviens du split de The Chameleons en 1987. Le groupe de Middleton (UK), snobé par la critique et les médias outre-Manche, a enregistré sur la période 1981-1987 trois albums mythiques dont l’incontournable What Does Anything Mean ? Basically.
1984, l’année de la maturité pour The Chameleons
La formation emmenée par Mark Burgess (chant et basse), Dave Fielding (guitare et clavier), Reg Smithies (guitare) et le regretté John Lever (batterie), parti au printemps dernier, a creusé son sillon dans la mouvance post punk au début des 80s. Ce deuxième opus n’a peut-être pas de titres emblématiques comme Don’t Fall ou In Shreds, leur tout premier single, mais le groupe anglais atteint, en cette année 1984, un niveau de maturité étonnant, et pas un brin poussiéreux trois décennies plus tard.
On retrouve d’emblée le mur de guitares caractéristique du son Chameleons et le clavier de Dave Fielding apporte ici une touche mélodieuse et parfois fragile. Il s’agit en fait d’un orgue d’église et dès la plage introductive, un temps suspendu (« silence, sea and sky ») donne la nouvelle tonalité. Mais sans reléguer au second plan la puissance sonore impulsée par les guitares de Fielding et Smithies. Au fil des chansons, on sent le bel équilibre entre les deux univers : l’énergie implosive voulue par Burgess, avec sa voix essoufflée et grave, est rattrapée par ce son plus aérien et ses nappes mélancoliques.
Un album puissant et aérien…
Perfume Garden et Intrigue in Tangiers nous clouent d’entrée dans notre siège. Les arrangements sont savamment orchestrés, ce son alternatif atmosphérique est pénétrant et hypnotique.
Et quelle homogénéité dans ce second LP de The Chameleons ! La rythmique martelée vous pénètre illico. Vous êtes comme happés par le rock flamboyant que Burgess impose. C’est beau et simple à la fois, puissant et aérien, rageur et intimiste… Côté texte, on retrouve dans What Does Anything Mean? Basically une tonalité noire et désespérée sur l’incommunicabilité des êtres, la violence du monde et la fragilité du vivant. Le poème proposé en page d’accueil du vinyle sert le propos à venir :
« Too many dead friends, too many dead ends… Draw a curtain between yourself and a world which suffocates and compresses you like lead feet on clay shoulders. »
Mais aussi intimiste et lyrique
Burgess sait aussi se montrer plus intimiste et lyrique, quand les guitares deviennent plus vaporeuses ou le clavier plus atmosphérique (On The Beach ou Home Is Where The Heart Is). Quoi qu’il en soit, il n’y a ici rien de superflu, tout est énergie et pureté…
Il était donc temps de remettre à flot ce monument du rock, un brin malmené par les critiques anglais. La scène américaine et continentale européenne a d’ailleurs vu dans ce groupe, et cet album en particulier, un évènement marquant. Non seulement la noisy pop des 90s a puisé dans ce registre Chameleons, à l’instar de Lush ou My Bloody Valentine mais, plus près de nous, d’autres groupes majeurs tels Interpol ou The Horrors se réfèrent encore au quatuor anglais de Middleton.