The Strokes ont d’emblée quelque chose de décalé. On est à l’aube du nouveau millénaire, la nouvelle vague techno fait un carton de chaque côté de l’Atlantique. (même Radiohead prend ce virage avec son très électro « Kid A »). Pourtant à New York, des gamins de 20 ans, bien nés et bien éduqués, tentent un retour au rock garage délibérément tourné vers le punk-rock des 70’S.
Nos jeunes The Strokes se sont formés d’abord autour de Julian Casablancas (chanteur) et Albert Hammond Jr (guitariste), tous deux étudiants en Suisse. A 16 ans, ils migrent vers la Grosse Pomme, s’installent en plein de coeur de Manhattan, et rencontrent Nick Valensi, Nikolai Fraiture et Fabrizio Moretti. Tous s’amusent gentiment en répétant de la musique cool. Jusqu’au jour où Julian Casablancas découvre le son Velvet Underground et décide d’aller vers un rock plus crasseux et racé à la fois.
Premiers pas et succès à New York
Leurs premiers concerts sont peu suivis en 1999 mais dès la première maquette sortie l’année suivante, le son The Strokes fait parler dans la communauté new-yorkaise. La sortie de Is This It est saluée par la presse spécialisée. C’est un succès immédiat et un journaliste anglais du NME parle même du groupe en termes pour le moins élogieux:
« C’est ce qu’il y a de plus frais en ce moment ! »
Beaucoup attribuent alors cet engouement au look négligé et sauvage de nos jeunes rockers. Belles gueules aux cheveux décoiffés, Converse crades, vestes seconde main et jeans troués. Le succès dépasse pourtant largement la plastique juvénile et l’enveloppe vestimentaire. Le son The Strokes est une vraie claque pour nos oreilles en cet été 2001. Il y a quelque chose de vintage et tranchant mais aussi de très organisé et racé. C’est sans emphase, juste propre.
On retrouve une griffe Television ou Stooges en dignes héritiers de la scène rock new-yorkaise. Et plus encore l’influence de Lou Reed et son Velvet Underground avec notamment la voix nonchalante de Julian Casablancas. Mais au-delà de ces influences, le son est très moderne, l’orchestration très efficace avec les riffs aiguisés des deux guitares. La ligne directrice est soignée et les compositions relèvent d’une grande précision.
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Is This It ? Oui sans doute !
Et si la première chanson Is This It semble posée, mélodieuse et presque pop, le son s’aiguise dès la deuxième plage avec le puissant The Modern Age. Déjà la note est donnée et tout le reste suit avec la même fougue. La basse de Nikolai Fraiture est remarquable et les guitares en mode distorsion rendent le tout âpre et fougueux. Plusieurs titres claquent brillamment et dévoilent un son tranchant. Hard To Explain, Last Nite et le New-York City Cops – supprimé du vinyle US pour ne pas créer la polémique au lendemain de l’attentat des tours jumelles – sont des compositions exaltantes.
J’invite tous les amateurs de rock à démarrer leur journée avec Is This It, vraiment ! Ressentez la puissance et l’énergie qui émanent de cet opus. Vous prenez une dose sur-vitaminée pour démarrer et cela vous met le coeur en joie.
La pochette de Is This It, une claque dans un gant de velours
Jetons aussi un oeil sur la pochette, également censurée Outre-Atlantique. On y voit une main gantée cuir posée sur une hanche dénudée et cambrée. L’image signée Colin Lane souffle un vent de provocation mais par la même relève d’une grande classe et en fait une image presque iconique.
Et curieusement, si l’on met en parallèle cette pochette et l’essence du mot « strokes », on retrouve un étonnant dualisme. Puisque le mot renvoie aussi bien à la caresse qu’aux éclairs. Et tout l’album s’en retrouve synthétisé là. Une claque assénée dans un gant de velours. La voix rauque, désabusée de Casablancas vous prend et vous captive et le son rock brut vous saisit sans retomber. Alors pour reprendre les mots de Casablancas lui-même sur le titre de clôture :
« Take it or leave it »
A vous de voir…