Il y a une semaine jour pour jour s’ouvrait la 35ème édition du festival Art Rock, l’événement qui chaque année fait vibrer et danser le tout centre ville de Saint-Brieuc.
Ce que nous retiendrons du festival Art Rock 2018
Thérapie Taxi, un voyage mitigé.
Bien à bord du taxi thérapie, le voyage peut commencer. L’ambiance est bonne enfant et nous nous surprenons à pousser la chansonnette à plusieurs reprises durant le trajet, notamment sur les titres Cri des Loups ou Hit Sale (avec Roméo Elvis), morceaux déjà cultes de l’album du même nom sorti cette année. Qu’ils chantent ou non, qu’ils dansent ou non, nous ne pouvons nous empêcher de mater nos hôtes, tant leur style haut en couleurs nous interpèle et nous fascine.
En cours de route, des autostoppeurs bien éméchés et tout aussi barrés que l’ensemble des membres du groupe, rejoignent la course pour encore plus de folie et de danses improbables sur la piste. Malgré ces quelques instants choisis, nous trouvons le temps un peu long et les paysages qui défilent un peu trop semblables d’une route à l’autre. Nous regrettons, enfin, la sérieuse pénurie de sourires du côté d’Adélaïde, l’une des principales conductrice du show.
Camille, une artiste complète
L’auteure compositrice interprète mêle ici, sur la Grande Scène du festival, les arts du spectacle aux arts décoratifs, les danses chorégraphiques aux envolées loufoques et improvisées, la variété française au style gospel en passant par de la pop-folk psyché revisité. La performance offerte ici est à l’image de son interprète, généreuse et flamboyante.
Jake Bugg, étonnant et envoutant
Jake Bugg, jeune chanteur anglais à la voix unique m’avait conquis il y a quelques années lors de la découverte de son titre Broken, issu de l’album Jake Bugg sorti en 2012. Elle est à mes yeux (et mes oreilles) l’une des plus belles et déchirantes chanson d’amour de cette dernière décennie (rien que ça !)
Sur scène, le regard du jeune rockeur semble ailleurs. Il nous suffit alors de fermer les yeux pour le rejoindre dans cet « ailleurs » et voyager avec lui. Bien que très peu mobile sur scène, pour ne pas dire figé, la connexion est bonne et la performance ne manque pas de panache. Jake Bugg, le rockeur folkeur ténébreux, passe de morceaux country très punchy à de douces ballades oniriques et mélancoliques avec aisance, style, et élégance. Nous sommes sous le charme.
Catherine Ringer on l’aime mais on la quitte
Nous sommes nombreux à affectionner la grande dame des Rita Mitsouko, cette grande interprète à la voix si singulière, mais la magie n’opère pas pour nous ce soir. Nous percevons un décalage entre les attentes du public, l’atmosphère général du festival, et la proposition artistique. C’est pourquoi nous prenons la lourde décision de nous éclipser avant la fin, et partons festoyer, ailleurs, vers d’autres contrées musicales.
Petit Biscuit, très jeune mais très doué
Découvert par l’équipe d’Indeflagration il y a presque 2 ans jour pour jour aux iNOUïS du Printemps de Bourges, Petit Biscuit a bien grandi. Aujourd’hui devenu un incontournable de la scène électro folk, le jeune Mehdi Benjelloun fait le tour des festivals et des scènes partout en Europe.
Nous noterons tout de même que malgré cette fibre créatrice incontestable et un investissement scénique et artistique réel, le très jeune homme est encore très jeune. Ça se sent, ça se voit, et ça s’entend. Et au fond, c’est un peu rassurant. Le langage qu’il use est celui d’un adolescent de son âge et ses interventions, comme ses tentatives d’animation, sont encore bien maladroites.
« Ça va ou quoi la Bretagne ? »
« Vous vous êtes chauffés la Bretagne ça fait plaisir ! »
Mais aucune inquiétude à avoir, Petit Biscuit deviendra grand, et en tout cas, ce soir à Art Rock, je crois qu’on peut le dire : « Ouais la Bretagne t’a kiffé mec, ça fait plaisir ! ».
Orelsan agite les foules, et ranime les coeurs
Le concert offert par cet artiste « hors norme » est un catalyseur d’émotions fortes. Partagés tout le long entre l’envie de sauter, de crier, l’envie de rire ou de pleurer, Orelsan sait surprendre et nous tenir en haleine jusqu’au bout du bout du show. Les titres interprétés proviennent, pour la majorité, de son dernier album La fête est finie. Mention particulière pour Tout va bien qui pose la question : « quel discours tenir aux enfants témoins de certaines horreurs de ce Monde sans pour autant détruire leurs rêves, leurs espérances, ce qu’il leur reste de pureté et d’innocence ? »
Orelsan nous montre quelques issues :
« Si le monsieur dort dehors, c’est qu’il aime le bruit des voitures
Et s’il s’amuse à faire le mort c’est qu’il joue avec les statuts
Et si un jour il a disparu c’est qu’il est devenu millionaire
Qu’il est parti sur une île avec un palmier dans sa bière
(…)
Si les hommes se tirent dessus, c’est qu’il y a des vaccins dans les balles.
Et si les bâtiments explosent c’est pour fabriquer des étoiles.
Et si un jour ils ont disparu, c’est qu’ils s’amusaient tellement bien,
Qu’ils sont partis loins faire une ronde, tous en treillis mains dans la mains.
Tout va bien, petit, tout va bien.
Tout va bien, tout va bien. »
Il reprend son classique La Terre est ronde, issu de l’album Le Chant des Sirènes, le taux de participation est alors à son apogée dans le public.
Son dernier morceau, aussi dernier titre de son dernier album met tout le monde d’accord. Message pour trop tard est l’ensemble des conseils qu’aurait certainement aimé donner Orelsan adulte à celui qu’il était adolescent, des conseils, à en croire le phénomène exceptionnel d’osmose qui s’opère dans le public sur toute la durée de la chanson, qui en touchent plus d’un. Au fond, l’école, la rébellion contre les parents ou le reste de la société, les excès, les soirées, les réunions de famille, les amis, la perte d’un proche, sont des passages obligatoires pour la plupart d’entre nous, cette chanson bouleversante de sens et de vérité, raconte nos vies.
« (…)
T’as juste besoin d’une passion
Donc écoute bien les conseillers d’orientation et fais l’opposé d’c’qu’ils diront
En gros, tous les trucs où les gens disent : “Tu perds ton temps”
Faut qu’tu t’mettes à fond d’dans et qu’tu t’accroches longtemps
Si tu veux faire des films, t’as juste besoin d’un truc qui filme
Dire : “J’ai pas d’matos ou pas d’contact”, c’est un truc de victime
On t’dira d’être premier, jamais d’être heureux
Premier, c’est pour ceux qu’ont besoin d’une note, qu’ont pas confiance en eux
T’es au moment d’ta vie où tu peux devenir c’que tu veux
Le même moment où c’est l’plus dur de savoir c’que tu veux
(…)
Tu bloques sur les défauts des autres, et c’est ton pire défaut
La vie, c’est des cycles, c’est pour ça qu’j’retombe sur les mêmes mots
Sois pas parano sur qui sont tes vrais amis
Y’a qu’un seul moyen d’le savoir : laisse le temps faire le tri
J’ai jamais regretté d’demander conseil ni d’appeler quelqu’un
Souvent, tu crois qu’ils sont chelous, c’est juste qu’ça capte pas très bien
La même histoire a plein d’versions
La meilleure façon d’sortir d’une embrouille, c’est d’poser des questions
Arrête de passer ta vie à fuir, angoissé par l’avenir
Parce qu’y’a rien à faire pour s’préparer au pire
Comme les attentats, les mauvaises nouvelles frappent quand tu t’y attends pas
Des proches un peu pressés partiront avant toi
Tu verras des gens heureux prendre un appel
Leur visage se décompose et rien n’est plus jamais pareil
Y’a rien à faire, à part être présent
Panser les plaies, changer les pansements, le seul remède, c’est l’temps »
Orelsan mérite incontestablement sa place de tête d’affiche du festival et on espère tous ici que que la fête est loin d’être finie !
Le mot de la fin pour ce Festival Art Rock 2018
Nous retiendrons enfin que le phénomène Art Rock n’a pas de frontières. Le Michelet Café, extérieur au festival, en est bien la démonstration. Il remporte la palme du plus grand rassemblement spontané de danseurs et danseuses de Saint Brieuc, sur ces trois jours de festivités. Ce bar étonnant et détonnant méritait sa place dans notre histoire.
Et de petites photos agréables de Django Django et Jungle pour conclure :