Flashback – « La différence entre le possible et l’impossible se trouve dans la détermination… » C’est en pensant à cette maxime du mahatma Gandhi que je vais en ce jour d’automne 1999 accéder au sésame m’ouvrant les portes du Stirwen à Carnac pour un concert privé de Ben Harper. Rappelons-nous cet incroyable événement rock du siècle dernier !
Live from Carnac
Le californien sort alors Burn To Shine son deuxième opus avec ses compagnons de route The Innocent Criminals, et son quatrième à titre personnel. Chose inédite, il est proposé aux 150 premiers acheteurs de l’album un concert gratuit dans la boite branchée de Carnac, propriété d’Alain Barrière. Une seule condition à remplir : se rendre chez un grand disquaire rennais et être en ordre de bataille pour dégainer illico à l’ouverture des portes. Et ça marche grand dieu, je suis un de ces 150 satanés chanceux !
Burn To Shine de Ben Harper, quand la folk explore les genres
J’ai à peine le temps de savourer l’album, le concert est programmé dans la foulée. C’est donc à Carnac, juste en face du grand Ben Harper que je prends véritablement conscience de la perle créée par le californien et ses acolytes.
Revenons donc sur ce chef d’oeuvre éclectique et d’une richesse musicale exceptionnelle. Tout commence par le bouleversant Alone aux parfums de délicats gospels. Mais ce n’est nullement une ligne directrice que trace Ben Harper avec cette entrée en matière puisque tous les styles musicaux ou presque suivront sur les plages suivantes. Et c’est là que réside la force de ce LP !
Certes la tonalité folk reste bien ancrée ici, on connait maintenant l’influence évidente qu’ont eu Cat Stevens ou Bob Dylan sur les compos de Ben Harper. Et sur cet album, l’artiste conforte encore cette tendance. Il y apporte même une dimension country avec Suzy Blue ou reggae avec Steal My Kisses puis gospel sur Show Me A Little Shame. Et au-delà du folk, on explore aussi un brin de blues rock – Burn to Shine- et même de rock métal – Less. La fin de l’album est en mode ballade soul sur les deux titres de clôture. L’ensemble est véritablement multi-facettes, presque hybride. Il montre tout le talent de Ben Harper, qui alterne voix de velours et puissance rageuse quand il laisse ses doigts glisser sur sa guitare slide.
Folie créatrice, le velours et la rage
Colère et compassion font ici bon ménage. Toutes vos humeurs peuvent en fait se retrouver à l’écoute de ces douze titres car le rock est véritablement re-dessiné par Mister Ben Harper. L’américain y apporte sa patte tant par les modulations de sa voix que par les effets reverb et autres saturations. Mais aussi par l’ajout d’instruments issus du classique tels que le hautbois, la mandoline, l’harmonium… Et sur un titre comme Two Hands of A Prayer, on ressent la capacité créatrice de l’américain. Une voix qui vous caresse l’oreille, un quatuor à cordes qui vous enveloppe de douceur et quelques percussions un brin théâtrales. La magie opère admirablement et d’aucuns y voient même un clin d’oeil zeppelinien à peine dissimulé.
Je ne peux manquer ici de me remémorer l’interview de Philippe Manoeuvre au sortir d’un concert de la tournée Live from Mars début 2000. Le mot de la fin du critique rock me semblait un peu surfait mais sonne après coup terriblement juste à la réécoute de ce somptueux album :
« Merci pour tout Ben, l’avenir de la guitare est entre vos mains ! »