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Vous avez peut-être déjà vu la version longue de Blizzard sur Youtube, vous connaissez sans doute mieux encore Nuits Fauves ou Kané, mais avez-vous déjà entendu Sainte-Anne ?
FAUVE, c’est un style, une manière d’écrire des textes bruts – qu’on sent improvisés, en tout cas emplis de ressenti, d’espoirs et de coups de gueule – et de les mêler à un riff musical entêtant.
Si vous êtes étudiant comme moi, cette chanson fait plus que réfléchir sur son avenir, sur ses rêves de carrière. Ce futur cadre, à la vie toute tracée, qui ne peut plus dormir tant elle lui semble un long fleuve plein d’ennui, est si crédible qu’il fait profondément mal. FAUVE fait émerger le non-sens d’un tel mode d’existence, voué à … quoi ? Voué à quoi au juste ? À s’endormir lentement, à avancer doucement jusqu’à la mort d’un pas monotone et régulier ? Mais qu’est-ce qu’une vie où tout n’est que vice, et surtout vice repetita ? La durée n’est plus perceptible, puisqu’elle n’est pas soumise au changement, aux variations, aux excitations qui bouleversent le cours de la vie. Les notes de musique que constituent nos sensations affectives ne s’organisent plus, ne s’interpénètrent plus au sein d’une organisation unique, et changeante. Aucun souvenir précis ou rappelant une date précise dans cette chanson, mais simplement des faits présentés comme vécus encore et encore, ad vitam aeternam, sans raison, de manière inexplicable (“de toute façon t’auras beau être le premier arrivé, à la clef on va tous se taper la même journée scabreuse”, “j’en ai assez d’me taper à déjeuner des salades composées à 12 euros”, “finir par embrayer sur des after-works entre collègues. mais quel cafard. A croire qu’on aime tellement s’faire enfler la journée qu’on en redemande le soir”). C’est une constante chez FAUVE : la vie de tous les jours, la situation d’oppression ou de mal-être, est présentée comme commune, sans variation, et la révolte – qui est celle de la raison – doit venir chambouler ce paquet bien ficelé et marketé par la société, rien que pour nous mais à son profit.
Car oui, on sait que rien ne sera plus pareil après cette confession. Tout du moins, on le souhaite, on l’espère. Car si la musique de FAUVE paraît au premier abord nous assommer, creuser un trou, nous y placer et le reboucher, il n’en est rien. Elle est d’abord une prise de conscience, et un espoir, une volonté de révolte. Le futur cadre fait sa propre analyse, et la réponse apportée dans Blizzard (“tout ça c’est fini !“) n’est pas loin.
La révolte contre cette existence, exprimée clairement comme insupportable et avec une volonté de changement par le narrateur de Sainte-Anne, est sans doute ce qui le distingue du héros de Michel Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte. La situation est la même, la critique est la même, mais il reste de l’espoir, plutôt que résignation fataliste.
Il va chez le psy, et avec lui, nous allons chez le psy. Comme Michel. Mais il se livre. Oui, la pression du business-world, où le petit pouvoir est maître, détruit, fait perdre tout sens aux tâches effectuées. On ne sait ce qu’on fait concrètement, on ne sait ce qu’on apporte au monde. Comment exister sans apporter sa pierre à l’édifice ? Entrer dans des cases malgré soi, c’est traverser sa vie comme un fantôme. La recherche pathologique d’excitation recouvre la monotonie inextricable d’une existence qui n’en est même plus une. Cela n’est plus supportable …
FAUVE nous rappelle que l’homme est ou en tout cas doit être un révolté dans l’âme. Il faut bannir un avenir tout tracé de la sorte, si commun, où l’argent et la tranquillité, la sécurité face aux aléas de la vie, prend le pas sur l’honneur, la dignité, l’amour (cf. Blizzard) qui seuls font que la vie vaut la peine d’être vécue.
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