Déjà presque 1 an sans concerts ni festivals ! Ce temps d’attente semble interminable pour tous les amateurs de musique live. Et toujours peu d’espoir de voir se profiler une quelconque ouverture à court terme. C’est pourquoi ce live du mythique groupe de Sheffield Arctic Monkeys tombe à pic pour égayer nos longues soirées et nous replonger dans cette ambiance de salles obscures sentant bon la liesse et un peu aussi la transpiration !?
Alex Turner au chevet d’une ONG
Arctic Monkeys a débuté sa tournée 2018 du très controversé « Tranquility Base Hotel + Casino » au Royal Albert Hall de Londres. Et l’enregistrement live de cette soirée sort à présent pour une noble cause. Les profits réalisés sont reversés à l’ONG War Child UK qui vient en aide aux enfants victimes de conflits. Cette Organisation accuse un déficit sévère depuis la pandémie et cette belle initiative sonne comme une aubaine pour toutes les belles âmes investies dans cette mission.
Un premier concert vite expédié pour les Arctic Monkeys…
Nos quatre garnements de Sheffield ont bien grandi depuis les premières années tapageuses. Je me souviens parfaitement de leur première venue en France un soir de novembre 2005 à l’Olympic de Nantes pour le festival des Inrocks. Antony and the Johnsons et Devendra Banhart étaient les têtes d’affiche ce soir-là mais on parlait aussi de ces jeunes anglais qui devaient débuter le festival vers 20h. Je voulais absolument voir les prodiges, mais un peu charrette, j’ai dû arriver avec quelques minutes de retard. Dans la salle, j’assiste à un show brut, crasseux et dantesque… Le quatuor prend tout le monde de cours et décoiffe l’assistance.
Et là, surprise, sur le coup de 20h15, ils désertent la scène sans mot dire et un brin hautains : quatre chansons et l’affaire est pliée. On reste tous cois, un peu colère évidemment mais les lascars ont marqué les esprits et tous rêvent déjà de les revoir ailleurs. Leur premier album sortira quelques mois plus tard et sera plébiscité par la critique. Un groupe peu ordinaire a foulé la côte atlantique ce soir-là…
L’art d’aller là où on ne l’attend pas
Depuis, nos jeunes anglais ont enchainé les consécrations et Alex Turner est même devenu une icône. Son talent est multiple et sans limites. Tantôt avec son comparse Miles Kane pour explorer une écriture plus pop sous la formation The Last Shadow Puppets ou près de Josh Homme (Queen of the Stone Age), il cherche et ose d’autres directions. Mais toujours il revient avec ses compagnons Nick O’Malley (basse), Jamie Cook (guitare) et Matt Helders (batterie). Leur son très rude et sauvage est désormais une référence pour les nombreux fans. Cinq albums studios ont permis au groupe d’enchainer des titres monstres.
Oui mais voilà, Alex Turner va toujours où on ne l’attend pas. Le sixième album Tranquility Base Hotel + Casino est entièrement composé au piano par ses soins et expérimente d’autres voies, jazzy, presque groovy parfois. Il le soumet aux autres membres qui posent leurs instruments sur les compositions du frontman. L’album sème le trouble chez son public en cette année 2018. Il est toutefois salué comme une oeuvre sophistiquée et très novatrice. Coup gagnant pour le gars Turner. Mais la question est sur toutes les lèvres : est-ce la nouvelle direction imposée par Arctic Monkeys pour les années suivantes ?
Un son toujours rageur et de belles ballades soignées
Le live enregistré au Royal Albert Hall lors de cette dernière tournée réconcilie tout le monde et surtout les sceptiques. Bien sûr, la dernière période faite de compos soignées et éclectiques est très présente et cela sonne même le début du set : Four out of five s’affiche avec élégance et vient mettre en exergue la sublime voix de Turner.
Mais déjà les titres monstres des précédents albums sont envoyés en grande pompe : Brianstorm, Crying Lightning et l’énorme Do I Wanna Know vient claquer avec majesté dans l’antre du RAH. Et tout s’enchaîne sur un rythme enlevé alternant toujours ballades presque rétro et titres furieux de la grande époque.
Les prodiges du rock anglais mettent ici tout le monde d’accord, la puissance sonore et la rage sont toujours une marque de fabrique forte mais les trentenaires montrent ainsi leur soif de nouveauté et d’inventivité. Quand 505 déploie sa superbe sur la scène londonienne, on ne peut que rendre grâce devant tant de justesse vocale et de sens de l’orchestration. Puis sans prévenir, on se prend dans les tympans le grandiose « She looks like fun » sur lequel Jamie Cook fait sonner rageusement sa guitare puis From The Ritz to The Rubble projetant la batterie de Matt Helders au premier plan.
1h30 de pure intensité offerte par les Arctic Monkeys
La grande classe des Arctic Monkeys s’affiche ici durant une heure vingt six minutes de live. Non, la folie furieuse des premières heures n’est pas éteinte, les riffs sanglants restent une vraie marotte. Mais l’exploration et la recherche de nouvelles sonorités apparaissent comme un évidence et Turner ne se prive pas d’aller sur ces voies, montrant par la même son incroyable créativité.
Quand s’ouvre le deuxième volet sur Tranquility Base Hotel and Casino, on réalise le chemin parcouru par Alex Turner depuis les première prises furieuses sur MySpace. Et toujours cette voix, mais quelle voix ! Ce n’est que ravissement et justesse, son phrasé et sa musicalité sont un véritable enchantement à chaque respiration. Son organe gouailleur semble tout simplement électriser toute la mythique salle londonienne.