Il est des expressions surfaites et galvaudées tellement elles sont reprises, mais là, je n’ai d’autres choix que d’en jeter une qui colle parfaitement à The Other Side Of Make-Believe ce 7ème opus signé Interpol… Oui, c’est vraiment l’album de la maturité.
Il s’est passé quatre années depuis la sortie de Marauder et beaucoup comme moi pensaient alors que les new-yorkais se perdaient dans un son trop brut, presque bourrin… On regrettait tous le temps lumineux des sublimes Turn On the Bright Lights et Antics. Et le satané Covid est arrivé sans prévenir, emportant aussi les élans créatifs. Notre trio s’est trouvé séparé et il a fallu entamer une nouvelle page avec des tentations de tentatives éparses.
Une production de choix pour le 7ème album d’Interpol
Finalement, le groupe s’est retrouvé en studio pour reprendre à nouveau l’aventure créatrice Interpol et là, le flux de vie l’a emporté. Le frontman Paul Banks assisté du guitariste Daniel Kessler et du batteur Sam Fogarino ont rejoint une super team de production composée de Flood et Alan Moulder. Si ces deux noms ne vous disent pas grand-chose, allez voir du côté de Smashing Pumpkins, Nine Inch Nails, PJ Harvey ou My Bloody Valentine pour comprendre que ces deux lascars ont une carte de visite hors norme.
Alors quid de ce changement de direction ? Le flux de vie disais-je… Tout est là. Paul Banks parle cette fois de positivité, de confiance en l’humain et même d’ode à la résilience mentale.
Interpol expose un son posé et équilibré
Et musicalement, comment cela se traduit-il ?
Certes, à la première écoute, on peut se dire qu’Interpol reste Interpol avec cette voix d’outre-tombe, un son de guitare incisif et une batterie sèche et marquée. Mais ce n’est qu’apparence car The Other Side Of Make-Believe mérite de multiples écoutes, il se découvre au fil des passages et la magie opère un peu plus à chaque étape. Banks nous livre un chant plus en émotion, la guitare de Kessler reste entêtante mais non débridée et le batteur Fogarino reste à sa juste place alliant puissance et élégance.
Et c’est peut-être ce dernier adjectif qui illustre au mieux la mue d’Interpol en cet été 2022. Ils sont véritablement passés du spleen à l’idéal sans se renier pour autant. L’ensemble est très cohérent et prend même une dimension hypnotique à l’écoute au casque tant les subtilités apparaissent clairement.
Des clips très cinématographiques
Les premiers singles dévoilés par Interpol et mis en lumière par de somptueux clips sont de superbe facture. La première plage Toni démarre par une mélodie de piano obsédante en mode asynchrone et la voix de Paul Banks fait le reste, entre mélancolie et intonation à la Ian Curtis. La battle de danse qu’offre le chorégraphe Chucky Klapow dans le clip de Van Alpert est un West Side Story séduisant et captivant. A voir absolument !
Quant au tragique Gran Hotel, Paul Banks nous emmène en flash back dans l’histoire de ce couple en péril. On rembobine la nuit où tout bascule. Son chant est empli de nostalgie et de fragilité mêlées, c’est tout simplement beau ! Daniel Kessler et Sam Fogarino apportent la tension et l’intensité parfaites pour nous happer sur ces quatre minutes.
Plus généralement, les compositions de The Other Side Of Make-Believe sont plus calmes qu’à l’accoutumée mais toujours sur le fil. On ne lâche pas les énergies, on reste juste en tension. Et finalement, on gagne en élégance et en classe. C’est particulièrement vrai avec Fables, un summer jam selon les mots mêmes de Paul Banks.
Et c’est sûrement la force de cet album, le trio new-yorkais trouve un bel équilibre pour fêter ses vingt ans de carrière, la maturité certes mais la sérénité dans l’engagement. Le rock en sort aussi grandi, messieurs !
Petit souvenir : on avait vu Interpol à La Route du Rock en 2017, il y a 5 ans déjà, live report ici