Frank Zappa est un des rares artistes dans le rock auquel on pourrait coller l’étiquette de génie. Compositeur autodidacte, il est l’auteur d’une oeuvre foisonnante qui touche à tous les genres, de la country au classique contemporain en passant par l’avant-garde. Une soixantaine d’albums en moins de 30 ans de carrière, tous extrêmement variés. Les Beatles considéraient même Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club comme leur Freak Out! (1er album de Frank Zappa) à eux, et Pierre Boulez a dirigé certaines de ses compositions. Une des grandes forces de Zappa est qu’il pouvait verser autant dans le rock le plus classique que dans l’expérimentation la plus totale.
L’album Joe’s Garage raconte l’histoire de Joe, un jeune type qui a la mauvaise idée de monter un groupe dans une société dystopique où la musique est interdite. Il aura du succès, vivra des amours, chopera des MST, ira en prison, et finira par se ranger. A la manière d’un conte moral parodique, c’est à la fois une satire des autorités qui voient dans le rock une musique du diable (l’album est sorti dans le contexte de la révolution iranienne de 1979, qui a banni le rock, mais la méfiance envers cette musique était aussi présente en Occident), tout en se moquant de la naïveté des jeunes gens aisés lorsqu’ils sortent du confort familial. Beaucoup d’institutions en prennent pour leur grade, que ce soit le gouvernement, l’Eglise catholique ou la scientologie.
Joe’s Garage : quand jouer une chanson en boucle suffit
La chanson titre évoque le début quelque peu idyllique de la carrière de Joe, quand avec quelques amis il jouent une seule chanson (toujours la même) et réussissent à avoir un contrat avec un label.
Une des grandes forces de la chanson est que sa construction est paradoxale : on se moque d’un petit groupe d’amis qui rejouent inlassablement la même chanson (déjà répétitive), mais on le fait au moyen d’une mélodie basique et d’accords très peu nombreux. Alors même qu’il y aurait une certaine amertume chez Frank Zappa face à ces gens sans talent qui obtiennent un certain succès commercial, il parvient à nous infecter en utilisant la même simplicité qu’eux. On ne peut s’empêcher d’être emportés par la montée en puissance de la chanson, qui part d’un simple duo harmonica-guitare et qui s’enrichit peu à peu de choeurs, d’un synthétiseur etc. pour exprimer l’ascension de ce brave Joe, qui sait d’ailleurs très bien qu’il n’a pas révolutionné la musique. Contrairement à Frank Zappa tout au long de sa carrière.
Chaque mardi, retrouve un morceau rétro* sélectionné avec soin, décortiqué et partagé sur Indeflagration pour le délice de vos oreilles en quête de souvenir ou de fuite du temps présent. Tout cela afin de tenter de fusionner les époques par la musique.
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* le mot sexy pour « vieux »