Ian Anderson, chanteur-compositeur-guitariste-parolier-flûtiste de Jethro Tull, a un problème avec Dieu. Pratiquement tout l’album Aqualung peut d’ailleurs être vu comme une véritable charge contre le Grand Barbu, ou plutôt, celui qu’on lui a imposé quand il était à l’école. Chanson par chanson il le malmène, revendiquant une vision non dogmatique de la religion, d’un Dieu qui “est en toi et en moi“.
Locomotive Breath reprend l’image d’un Dieu mécaniste comme on le trouve chez les Lumières, sauf qu’ici, au lieu d’être un horloger distant mais organisé, c’est un saboteur malveillant qui a arraché le frein de la locomotive qui nous emmène alors où bon lui semble.
Jethro Tull et Dieu sont dans un train…
Un début tranquille au piano, puis ça s’échauffe, comme une locomotive qui se met peu à peu en marche, et nous voilà emportés sur ce fameux Train. Le bruit de la guitare rythmique l’évoque en quelque sorte avec son jeu en sourdine : on gratte la corde en gardant sa paume dessus, et le son qui sort est surtout métallique, sans note à proprement parler. Puis Jethro Tull nous présente le héros : un pauvre loser qui va tout droit à sa mort dans un train qui échappe à tout contrôle. Ses enfants sautent des wagons, sa femme est au lit avec son meilleur pote : tout va mal. Il ouvre la Bible à la page 1, et constate que si Dieu est à l’origine de tout, eh bien il est à l’origine de ce qui est en train (lol) de lui arriver, ce qui n’est guère rassurant. Le piano dansant a un côté infernal et la flûte apporte ce qu’il faut de chaos avec ses notes qui partent dans tous les sens et les respirations très audibles de Ian Anderson pour tenir l’atmosphère de la chanson.
Conflit d’interprétation
Qui est ce mystérieux “Old Charlie” évoqué à plusieurs reprises au fil du morceau ? Certains ont voulu (carrément) y voir une référence à Charles Darwin, qui avec sa théorie de l’évolution a saboté les dogmes bien structurés de l’Eglise en accélérant le processus de sécularisation. On vit désormais dans un monde sans repères et sans valeurs, comme un train qui avance sans but. D’autres y voient une allusion à la chanson “M.T.A.” de 1948 qui parle d’un certain “Old Charlie” qui est resté coincé dans un métro parce qu’il n’avait payé que le ticket d’entrée et non de sortie (un peu comme si tu payais un ticket RER zone 1-2 et que tu te retrouvais à Cergy sans pouvoir sortir de la station).
Difficile de ne pas y voir qu’une coïncidence, mais si c’était une réminiscence ? Et puis finalement qui détient la vérité dans ce monde absurde où nous roulons tous des rochers en haut de collines infinies ?
Chaque mardi, retrouve un morceau rétro* sélectionné avec soin, décortiqué et partagé sur Indeflagration pour le délice de vos oreilles en quête de souvenir ou de fuite du temps présent. Tout cela afin de tenter de fusionner les époques par la musique.
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* le mot sexy pour « vieux »