Nouveauté – Si sa musique semble si à part, en marge, unique, c’est sans doute parce que Zach Condon voyage… En tout cas, les chansons de No No No le font. De ville en ville, le maestro de Beirut tire des morceaux de ses impressions et sensations, tout en maintenant une simplicité instrumentale rare.
Plutôt que de parler de l’arrière-plan de cet album de renaissance, nous avons préféré faire le récit de ce voyage musical, morceau par morceau.
LP : No No No
Artiste : Beirut
Labels : 4AD
Styles : inclassable
Influences : Beach Boys (Pet Sound), Paul McCartney, Europe de l’Est
Date de sortie : 11 septembre 2015
Note Indeflagration : iii ½ (renaissance réussie)
Le baromètre de notation Indeflagration évolue de i (déconseillé) à iiii (futur indispensable) – Détails de la note au bas de l’article
Piano et percussions : invités d’honneur du navire
Ouverture. Quel meilleure manière de débuter un album de retour qu’en évoquant cette sentinelle entre Atlantique et Méditerranée, cette porte sur le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Europe méditerranéenne ? Sur Gibraltar comme sur No No No qui lui succède (et dont nous avons déjà parlé ici et là), chaque instrument a sa place. Avec de simples percussions et un piano, récurrents dans tout cet nouvel opus, Zach Condon enchaîne sur At Once. Des cuivres bucéphaliens – adjectif inventé, mais cela sonnait bien – font leur entrée. Le bateau tangue légèrement au rythme lent des « pour une fois » et « finalement ».
Montée. Ce rythme, justement, s’accélère considérablement sur August Holland, qui n’en conserve pas moins tous les outils de la ballade. Pour la première fois, des cordes et même une guitare aux accords surfin’ californiens s’immiscent dans le décor. Les harmonies de voix de Zach Condon coordonnent le tout, avant qu’une partie solo des cuivres mette en avant les influences de l’Est qui ont « fait » le Beirut de The Gulag Orkestrar.
Pas d’interruption, pas de silence. L’instrumental As Needed renoue avec une ambiance dont il est difficile de dire si elle est mélancolique ou allègrement nostalgique. Des cordes classiques s’allient à une guitare dont les notes évoquent presque les Beatles version McCartney. Le navire vogue entre deux eaux.
Beirut saute dans l’Océan Indien
Variations. Avec Perth, Beirut fait plusieurs dizaines de milliers de kilomètres. La voix de Zach Condon fait un retour marqué, associée cette fois-ci à un synthétiseur, des cuivres bondissants et des percussions étouffées toujours présentes. On peut s’imaginer facilement les côtes australiennes défilant devant nos yeux derrière la vitre d’un 4×4. Avec l’envie de s’arrêter pour plonger et profiter de la fraîcheur de l’océan…
Sortie de l’eau. Pacheco, qui conserve le même son au synthé, surprend par son rythme phénoménalement lent. Encore une fois, Beirut montre sa maestria à associer voix et cuivres pour des harmonies toujours poignantes.
Rythme, harmonies, lien : les clés pour dire Oui à No No No
Cohérence, cohésion. Sans doute l’une des qualités à retenir de ce nouvel opus de Beirut. Sur Fener, on retrouve en effet les mêmes sonorités surfin’ à la guitare que sur August Holland. Avant une rupture de rythme faisant penser à des morceaux des Beach Boys, entre piano battant la mesure et une alternance synthé/voix.
Final. So Allowed achève No No No sur une note douce-amère. La voix de Zach Condon s’exprime enfin dans sa pureté singulière, laissant un instant de côté ses harmonies très chères… mais pas ses cordes presque distordues et ses cuivres aux sonorités si identifiables et inimitables.
Cette manière de jouer avec les sons rappelle tout de même fortement Pet Sound. Beirut tiendra-t-il un jour l’album du siècle comme les garçons des plages, ou notre époque est-elle trop différente ?
On espère que la réponse mettra moins de temps à arriver que l’écart entre The Rip Tide et Gibraltar…
Notre note pour No No No : iii ½
Un come-back fracassant, ou plutôt délicat (meilleur sens du terme) pour un groupe loin d’être parti à la dérive, mais dont on attend le retour en fanfare.