25 novembre 2015 – Indesilver est passé voir AaRON en concert à L’Olympia. Récit de sa soirée, au coeur de notre ‘semaine de la mort‘ (concerts de Nothing But Thieves, Patrick Watson et Superpoze sur deux jours !)
1ère partie : Alice Phoebe Lou, la princesse des rues
Il est 20h15, une jeune fille, blonde, au charme incontestable, fait irruption sur scène.
Elle s’appelle Alice Phoebe Lou, elle vient d’Afrique du Sud et joue dans les rues de Berlin depuis 2013 où elle y trouve un enrichissement personnel « indescriptible ».
Ce soir à l’Olympia elle tente un exploit celui de jouer sur une scène devant un public de plusieurs milliers de personnes. La rue est une scène sans frontières, les spectateurs prennent place quand bon leur semble et la quittent sans crainte de perturber le déroulement du concert ni le reste du public. Ici, à l’Olympia,
le public est figé et il est là pour AaRon, il a payé pour voir ce groupe, et le voilà un peu « forcé » de rester, pour cette première partie. Ce contraste entre ces deux mondes très différents semble créer un stress chez la jeune chanteuse. On la sent d’emblée très nerveuse, la voix est tremblotante, les rires entre les phrases, maladroits, mais il se dégage de l’Artiste une incroyable pureté, très agréable et bien réconfortante en ces temps de crise.
« My first song is a very sad song … » dit-elle presque en s’excusant
Elle nous rassure rapidement en nous expliquant que ça devrait se calmer au fil des chansons. Les gens rient. Qu’ils en profitent car ça ne va pas durer.
Les premières notes sont effectivement très sombres et mélancoliques, elles sont rapidement rejointes par une voix sublime et très harmonieuse. Le lieu se sacralise au fil des morceaux.
Mais voilà, entre chacun d’entre eux, c’est la nervosité qui revient. Une nervosité que je qualifierais, d’ailleurs, d’assez séduisante. “It’s maybe better that I cannot see all of you” nous dit-elle en rigolant face à cet immense trou noir qui lui fait face.
Les influences de la jeune artiste sont nombreuses. La voix est douce et puissante tout comme celles d’autres jeunes virtusoses de la pop de ces 5 dernières années: Marina Kaye ou Birdy typiquement. Parfois, c’est Björk que l’on croirait entendre sur de courts passages de ses œuvres : d’abord pour certaines folies acrobatiques au niveau vocal dont elle fait l’usage (passages de l’aigü au grave, et inversement, sur des temps très courts) et ensuite pour le recours à des notes méconnues à ce jour : beaucoup de mélodies prennent en effet des tournures plutôt étonnantes, si bien que parfois on en arrive à se demander si ce n’est pas juste faux ! On finit par comprendre que c’est juste spécial, et on s’y fait.
À la longue je dirais même que l’on y prend goût.
Ses morceaux pourrait rentrer dans la catégorie musique du monde tant on se sent voyager tout autour du globe au fil du concert.
Le style général est globalement électro-folk et la combinaison fonctionne plutôt bien, bien que plusieurs de ses morceaux gagneraient à être plus épurés, plus simples.
Elle quitte la scène émue, reconnaissante et surtout très heureuse. Tant mieux, je crois que c’est plutôt réciproque à en croire les applaudissements du public.
AaRON : les pourvoyeurs de rêve
Il est 21 heures. Le spectacle commence par un morceau issu de leur dernier album, plus électro que les précédents. Le public est très réceptif.
Les morceaux s’enchaînent, puis, Simon Buret, qui s’était fait jusqu’ici plutôt discret, sort de sa timidité et prend la parole pour présenter son prochain titre. Il s’agit là aussi de l’un de ses nouveaux morceaux – Ride On – chanson qui, je cite “…nous pousse à réfléchir davantage avec notre propre cerveau et non celui qu’on nous pousse à avoir“.
La présentation a déjà quelque chose de très séduisant. Puis, la flatterie prend le dessus sur la philosophie, Simon ajoute: “Si vous êtes tous ici ce soir, si différents les uns des autres, c’est que je crois que ça fonctionne plutôt bien pour vous !”
Le contraste entre une scène enfumée baignée d’une lumière d’un bleu persan, très inspirant, et celui d’un accompagnement électro, puissant, un peu agressif, me laissent perplexe.
J’ai beaucoup de mal à me faire un avis sur ce morceau qui fait surgir en moi trop d’émotions contradictoires. Je note le titre pour revenir vers lui un autre jour.
Quelques temps tard, c’est au tour d’un des grands chefs d’oeuvre de leur album Birds In The Storm, sorti en 2010, d’être interprété : Arm Your Eyes.
Le morceau débute sous une brume teintée de rouge et de bleu noyant presque complètement la scène et ses musiciens. Une atmosphère sombre et angoissante accompagne les premiers couplets. Puis la montée en puissance du morceau est superbement imagée par un Simon nimbé de lumière, encerclé de rayons lumineux rouges et bleus, telle une divinité qui jaillirait des creux d’un sanctuaire…
Oui je m’emporte un peu, excusez-moi. Il semblerait en tout cas que les deux prodiges accordent une grande importance à la mise en scène de leur show. Ils jouent en permanence avec nos sens et aiment créer l’illusion : on est entre le rêve et la réalité. Arrive enfin le refrain tant attendu : “Arm your eyes to see through mine”. Les ultimes secondes sont sous le signe du silence, les dernières paroles sont murmurées et les autres instruments se sont tus.
Peu de temps après c’est au tour de Seeds of Gold, issu du même album, d’être revisité.
C’est une version plus rythmique et plus dynamique que l’original qui nous est proposée ce soir. La chanson aurait pu avoir été écrite par Coldplay, tant le style lui est proche, mais ce sont aussi des influences de groupes phares des 70th qui sont perceptibles, je pense notamment à T Rex ou à David Bowie.
Le retour de l’histoire
Il y a 12 ans, le groupe était sur cette scène. Ils n’y sont jamais retournés depuis.
Lors de ce premier rendez-vous il y avait cette chanson, que tout le monde a déjà au moins entendu ou chantonné une fois dans sa vie. U-Turn (Lily) est bouleversante déclaration d’amour d’un frère à sa sœur Lily, qui fut la musique phare du film Je vais bien ne t’en fais pas réalisé par Philippe Lioret. Pour ce nouveau rendez-vous, ils ont voulu faire écho à cette première rencontre en la faisant rejaillir du passé mais sous une autre forme, remasterisée.
Je décide de fermer les yeux et de me laisser emporter par la musique. Le piano s’est ‘éléctronisé‘, des tambours ont fait leur apparition, et la sensibilité de l’interprétation est à son comble. Le résultat à couper le souffle, bouleversant, tout simplement. Puis il est temps de reprendre des forces. Le chanteur prend place, face à nous, et nous invite à un petit jeu:
“Ceci est un bras, j’en ai deux d’ailleurs, mais celui-ci va me permettre de séparer la salle en deux”
Chaque partie du public devra alors crier lorsque le bras qui lui est attribué sera levé. Le public joue le jeu et en quelques minutes, la foule est devenue hystérique.
Un show ébouriffant
Le duo ne cesse de me surprendre, je connaissais le AaRon qui déprime, je connais maintenant le AaRon qui décoiffe.
Ils nous offriront deux rappels, un premier composé de 4 morceaux, parmi eux : Blouson noir, musique phare issu de leur dernier album, ou Little Love (voir chronique), puis un 2ème, composé du seul morceau Mister K provenant de leur premier album.
Le groupe aura ouvert leur spectacle avec une explosion de son et lumières et l’aura clos dans la plus grande sobriété qui soit : avec une voix, privée de son micro, et une guitare, face à une salle complètement éclairée. Cette mise à nu, face à des milliers de spectateurs devenus instantanément visibles à l’oeil des artistes aura marqué le coup, si bien que nombreux de leurs fans en parleront encore à la sortie des portes de l’Olympia.
Pas une seule référence aux événements du 13 novembre pendant le concert, mais cela n’empêchera pas le chanteur de glisser subtilement de nombreux messages de paix, de liberté, et de l’importance de Vivre Ensemble.
S’il fallait en retenir un seul, ce serait celui-ci: “Don’t worry Life is easy“, douces paroles issues du morceau: Little Love, l’une des musiques phares de leur premier album : Artificial Animal Riding on neverland paru en 2007.
C’est en effet sur cette sublimissime chanson d’amour que les deux musiciens ont rallumé les lumières de la ville. Chaque petit être du public était chargé de lever une petite étincelle vers le ciel, et la magie était là. En un clin d’œil la salle de spectacle était devenu une scène au milieu d’un ciel étoilé.
Finalement, AaRon est un groupe globalement inclassable.
Toutes les générations s’y retrouvent, et tous les styles s’y mélangent.
Mais avant tout, AaRon, ce sont surtout des larmes, des cris, des rires, des danses improbables sur des rythmes électro-pop un peu lunaires, des énergies explosives, des voyages oniriques, des silences …
Quelle meilleur définition de la vie que celle proposée par ce duo prodige à l’Olympia ce soir. Merci pour cette parenthèse enchantée.
Note (sans surprise) :
AaRON : iiii
Toutes les émotions dans un live d’exception
Le baromètre de notation Indeflagration évolue de i (déconseillé) à iiii (indispensable)
Crédits photos : aarontheband (Instagram)