Un extraterrestre sur la scène la moins appropriée possible. Voilà comment résumer la performance de Kurt Vile au QPAC de Brisbane jeudi dernier.
Dans une enceinte plus habituée aux concerts classiques et comédies musicales, ultra-climatisée, nous devons admettre que nous ne nous attendions pas à un set en solo. C’est pourtant seul sur la planète – qui vraisemblablement n’est pas son astre d’origine – que le philadelphien a joué ses morceaux. Assis pour assister à la performance intimiste, le public australien ne s’est pas avéré très au point. Quelques fans inconditionnels ont bien tenté de sauver la mise, mais le nombre hallucinant d’aller-retours aux toilettes des spectateurs au milieu des morceaux (nous avons quand même du nous lever 6 fois en moins d’1h30) s’est avéré une expérience extrêmement frustrante.
Kurt Vile est son propre psy
Qu’à cela ne tienne, nous étions face à Kurt Vile, ou plutôt avec lui. Et s’il y a bien une expression orale onomatopéique qui le définissait parfaitement ce soir-là – et on le dit dans toute la dimension positive qu’elle peut incarner -, c’est spé.
“I can’t see you guys. But I can smell you. You smell good.”
Oui, c’est ainsi que Kurt Vile s’est adressé à nous vers la fin du concert. Pas forcément très loquace, mais toujours souriant (une fois passée une phase de tension palpable), l’artiste âgé de 37 ans était dans un autre monde. Tout ce qui émanait de lui paraissait surréaliste. À commencer par ses paroles absurdes mais d’un humour redoutable, ici sur Pretty Pimpin :
“I woke up this morning, didn’t recognize the man in the mirror.
Then I laughed and I said ‘Oh silly me, that’s just me.’”
Ce morceau aux paroles faussement banales en dit plus sur lui qu’on peut l’imaginer. Kurt Vile semble se connaître avec une fulgurance rare. À la limite de la schizophrénie, il utilise son reflet pour tenir des observations profondes sur lui-même. Ce qui détonne complètement avec l’impression qu’il donne de n’être qu’un“clown” – il le dit lui même dans Pretty Pimpin – toujours dans la lune :
“He was always a thousand miles away while still standing in front of your face”
Une performance étonnamment apaisante
Sur le plan musical, au-delà de pédales loop pas forcément impeccablement maîtrisées (ni très utiles), Kurt Vile maîtrisait ses arpèges si caractéristiques à la perfection, tout en y apposant sa voix nonchalante qu’on ne peut décrire sans l’avoir écoutée. Et ce à la guitare comme au banjo.
D’un set qui aura été l’occasion pour l’artiste de jouer une bonne partie de son dernier opus b’lieve i’m goin down (2016), on retiendra :
- Les efficaces Pretty Pimpin et Wild Imagination (encore un bel exemple de paroles hilarantes)
- Le fabuleux Waking On A Pretty Day
- Les arpèges sublimes de Stay Inside et la partition géniale de My Best Friends (Don’t Even Pass This)
- Dust Bunnies et l’utilisation subreptice d’un harmonica
- Peeping Tomboy en rappel
Ce n’est qu’un au revoir
Après cette prestation intimiste et captivante malgré la caractère profondément inadapté du QPAC Concert Hall à ce type de performance, l’artiste a encore fait montre de sa simplicité légendaire dans ses remerciements au public :
“Thank you guys, I’ll see you in the hallway‘”
On espère un jour te rencontrer pour de vrai Kurt Vile. Dans un couloir ou dans la rue. Pour en apprendre plus sur ta philosophie et remettre en perspective nos vies.