Au soir du premier mercredi du mois de mai, nous nous sommes rendus dans le quartier de Pigalle comme bien d’autres avant nous. Pour quelle raison ? Assouvir nos pulsions les plus aigües et les plus basses… En écoutant de la musique pardi ! Au programme : Raoul Vignal aux Trois Baudets.
| Voir aussi : sa session exclusive au Studio Flagrant
Le jeu de guitare bluffant de Raoul Vignal
Notre rendez vous de ce soir était donc Raoul Vignal, un jeune musicien lyonnais, signé sur le label Talitres, que nous avions eu la joie d’accueillir le mois dernier au Studio Flagrant. Son jeu de guitare nous avait tout simplement bluffés. Enchaînant les accordages non conventionnels, il tissait avec sa main droite des arpèges à la fois complexes et fluides, qui donnaient vie à chacun de ses accords. Sa voix, lente et posée, achevait de donner aux 3 compositions qu’il avait jouées (Bless You, Side By Side et Hazy Days) une puissance mystérieuse et tranquille. Nous attendions donc ce concert avec impatience. Raoul Vignal aussi sans doute, puisque il marquait le début la tournée de son premier album The Silver Veil, sorti le mois dernier.
Voyage en apesanteur
Assis sur de confortables fauteuils rouges, nous le voyons donc arriver, accompagné cette fois-ci d’une contrebassiste et d’un batteur. Ils commencent tout d’abord leur set avec un morceau calme, joué avec relâchement. Et petit à petit, les trois compères resserrent les vis, tirent sur le tempo et font décoller la salle. Les murs tremblent, les bières dans nos mains viennent lécher le bord de leurs verres. Quand la salle se stabilise enfin, nous sommes en situation d’apesanteur. Nous ouvrons grand nos bouches pour tenter de récupérer nos bières qui flottent en une masse ectoplasmique devant nous. À notre gauche, un vieil homme s’élance en l’air pour tenter de récupérer son chapeau, retenu par sa femme qui le tient par le bout de son pantalon.
Un groupe d’adolescents, formant une chaîne humaine pour retenir l’un des leurs qui a décollé à plus de trois mètres à présent, ne reste accroché à la terre ferme que par la détermination de l’un d’entre eux, qui s’agrippe de toutes ses forces à une balustrade. Puis quelqu’un a une idée : il retire son manteau et s’attache avec en nouant les manches aux accoudoirs de son fauteuil. Son ingénieux système est repris par ses voisins, puis par les voisins de ses voisins, et peu à peu toute la salle se retrouve enfin sanglée et prête à poursuivre le voyage.
Dextérité et ascension ininterrompue
Raoul Vignal et ses musiciens, imperturbables au milieu des pièces de monnaie, mouchoirs et autres objets qui flottent dans toute la salle, continuent d’enchaîner les morceaux. La plupart proviennent de l’album, mais il y a aussi de très beaux inédits qu’on espère pouvoir écouter sur de prochains enregistrements. Parmi eux, un morceau (quelque chose qui parle d’une villa ?) à la musique très imagée comporte une intro où la contrebassiste imite le bruit des vagues avec son archet. La métaphore est ensuite reprise tout au long du morceau par les cymbales et les arpèges de guitare qui coulent comme un fleuve. Le fait de jouer en trio apporte un vrai plus au live – les chansons, introspectives et intimistes à la base, s’enhardissent et viennent à la rencontre du public.
Après une bonne heure de concert, les derniers accords résonnent, le trio salue sous les applaudissements, et progressivement les pieds retrouvent le sol, les cheveux retombent sur les épaules. Quelques intrépides dénouent leurs manteaux et font quelques pas tout d’abord mal assurés vers la sortie, bientôt suivis par les autres. Bref, une très belle soirée avec Raoul Vignal ! Quant à nous, on vous laisse. On va aller regarder un documentaire sur Thomas Pesquet.