Avant, quand Nintendo faisait un jeu vidéo, il ne restait pas beaucoup de place pour la musique et on devait se contenter d’écouter le thème de Super Mario en 8-bit (ce qui, si vous vous y connaissez en numérisation de signal, ne fait pas beaucoup beaucoup). Mais c’est du passé tout ça. Aujourd’hui la technologie a pris le dessus et l’on peut enfin offrir une qualité de son du niveau du cinéma.
Et heureusement, parce que certains producteurs ont quand même bon goût. Si les BO de Tarantino sont connues pour révéler des pépites, je prends le pari de vous convaincre qu’il existe son alter ego dans le domaine des jeux vidéos. Le genre de geek mélomane qui cache sous son t-shirt Zelda une blinde de perles musicales qu’il va vous faire découvrir pendant que vous prendrez une claque devant votre télé. Et croyez-moi, ça envoie du lourd (playlist complète ci-dessous).
Borderlands – Cartoon, violence & déglingue
Sur Pandora, la vie n’est pas toujours facile. Dans un monde post-apocalyptique à la Mad Max, les méchants possèdent des chevaux en diamant qu’ils appellent « Etalon du Cul » et les gentils passent leur temps à incendier les masochistes qui servent d’ennemis. Vous avez dit second degré ? Effectivement, Borderlands fait dans le décalé et pas qu’un peu. L’intro, avec une scène d’ouverture digne d’un film de Guy Ritchie, est là pour vous l’assurer : vous allez passer un bon moment.
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C’est sur Ain’t No Rest for the Wicked de Cage The Elephant que commence le délire où absolument rien n’est à prendre sérieusement. Cet excellent morceau rock à la rythmique efficace est là pour nous entraîner alors que le son du bottleneck sur la guitare acoustique rajoute les accents redneck qui nous rappellent le bon vieux soleil du Texas (ou de Pandora).
Chose étrange : le clip de Cage the Elephant est extrêmement proche de l’intro de Borderlands avec une route complètement vide au milieu du désert. Coïncidence ou inspiration des développeurs du jeu ? En tout cas, les commentaires sur Youtube ont l’air d’avoir décidé qui leur a permis de découvrir ça puisque les mieux notés font tous références à Borderlands…
« When you’re thinking murder, think Marcus munitions! »
Marcus Kincaid, trafiquant d’armes
But wait, there’s more
Avec un episode sequel et un episode pre-sequel (sisi, le concept existe), Gearbox ne s’est jamais montré avare en bonne musique. L’intro de Borderlands 2 est accompagnée par The Heavy (également présent à la fin pendant les crédits) et je vous la recommande fortement, au même titre que le trailer de la pre-sequel signé Kongos.
Hotline Miami – Bande-son psychédélique pour massacre en pixel-art
Avez-vous déjà vu Drive ? Si non, je vous le conseille. Si oui, alors vous n’aurez aucun mal à vous imaginer l’ambiance de Hotline Miami, jeu indé résolument rétro prenant place dans un Miami des années 80 où le bleu et le rose flashy sont régulièrement éclaboussés du rouge hémoglobine. Psychopathe à la santé mentale probablement défaillante, c’est vêtu de masques étranges que vous allez devoir violemment démonter les ennemis que vous croiserez avec ce qui vous passe sous la main. Et quoi de mieux pour accompagner cette folie meurtrière qu’une bande-son survoltée à base d’uranium hautement enrichi ?
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La BO de Hotline Miami compte pour au moins moitié du succès du jeu (et encore, je suis gentil) et lui donne ce look rétro à base de gros beats (qui ne sont pas sans rappeler Nightcall de Drive). Les petits gars de Devolver Digital ont quand même réalisé un exploit en nous faisant découvrir des morceaux d’une telle qualité de M|O|O|N, Perturbator, Jasper Byrne ou Scattle. On se sent tellement dans l’ambiance qu’on s’attendrait presque à voir Tommy Vercetti débarquer, la chemise hawaïenne bleue au vent.
Lourde, puissante, agressive et nerveuse, c’est sans doute l’une des bandes-son qui collent le mieux à l’esprit du jeu et son gameplay. Car oui, on ne vous a pas dit, mais dans Hotline Miami, on recommence sans arrêt, c’est du « Die & Retry » où les tentatives s’enchaînent sans jamais s’arrêter. Un peu comme le beat du morceau en fond qui est là pour nous accompagner à projeter le plus d’hémoglobine. Hommage à Drive, à GTA, au pixel-art, Hotline Miami et ses morceaux seront là pour vous soulager après une journée de travail difficile.
« Do you like hurting people? »
Un homme au masque de coq
Epicness incoming
Hotline Miami 2 sort le 10 mars, mais sa bande-son est d’ores et déjà connue (et monstrueuse). Si vous n’en avez pas eu assez, n’hésitez pas à vous jeter sur ce bijou d’electro psyché à base d’artistes déjà connus comme M|O|O|N (avec un titre ouf), ou des nouveaux venus qui sauront vous convaincre de la connaissance musicale approfondie de Devolver Digital.
Red Dead Redemption – I’m a poor lonesome cowboy
Que se passe-t-il lorsque Rockstar (les papas de Grand Theft Auto) se lance dans le western spaghetti ? Oui, oui, je parle bien de mélanger ceux-là mêmes qui adorent les jeux en monde ouvert avec l’Amérique du Far West encore plus ouverte. Un peu moins célèbre que les GTA, Red Dead Redemption gagne pourtant au moins autant à être connu : entre ambiance incroyable, scénario riche et paysages magnifiques, il offre une liberté (‘Murica) totale et John Marston fera sans doute partie des cowboys les plus classes du jeu vidéo. L’une des scènes dont se souviendra chaque joueur (no spoil) est probablement celle de l’entrée au Mexique, sur fond de José González.
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Sur fond de Far Away, on quitte les États-Unis pour traverser le Rio Grande et arriver directement dans le désert mexicain avec toujours autant de soleil et toujours autant de cactus. Au son de la guitare acoustique se mêle la voix caractéristique du chanteur qui accompagne ce bon vieux bougre de John, contraint à se plier en quatre pour sa famille, y compris à quitter sa province natale. Bon, en même temps, quand on est le type le plus badass de l’Ouest, qu’on vit sous le soleil du sud-ouest des États-Unis et qu’en plus José González chante pour nous… Il a pas intérêt à trop se plaindre non plus, le bonhomme.
Épique au possible, ce passage reste l’un des plus grisants du jeu vidéo. En grande partie grâce au morceau de José González qui prend le pas sur tout autre son du jeu. Comme hors du temps, on vit réellement le voyage « so far away » et l’immersion est complète. Maman, regarde, je suis un vrai cowboy.
« I’m many things, most of ’em bad. But a man of political principles? No. »
– John Marston
Welcome to the Old West
Si le morceau de José González est l’un des plus mémorables du jeu, le reste de la bande-originale demeure d’une rare qualité. Le morceau d’Ashtar Command (Deadman’s Gun), dans un style folk pas si loin de Johnny Cash est tout aussi bon. Mais les amateurs de GTA savent bien que Rockstar ne lésine jamais sur les moyens en matière de bande-originale de jeu.
BioShock – Utopie steampunk dans le Noir des années 60
Nous sommes en 1960 et l’avion dans lequel vous voyagez s’écrase violemment au milieu de l’océan. C’est pas de chance. Contraint à trouver refuge, vous arrivez de fil en aiguille dans une ville sous-marine complètement cachée du reste monde : Rapture, le fruit d’une utopie de penseurs libres du monde post-seconde guerre mondiale, réservée à l’élite. Mais voilà, vous arrivez un peu tard et le rêve a viré au cauchemar après que manipulations génétiques et politiques ont transformé l’intégralité de la population en pseudo-zombies drogués accros à la gâchette. Comme quoi, la noyade aurait peut-être été plus sympa.
C’est dans cette ville, merveille technologique dans un pur style Steampunk, que BioShock vous propose de passer vos vacances, en direct des années 60. JFK vient d’être élu président, Hitchcock sort Psycho au cinéma… Toute une époque, illustrée à la perfection par le morceau de Bobby Darin, Beyond The Sea.
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Le son jazzy du big band, la voix du chanteur aux cheveux bien huilés à la brillantine… Tout y est pour vous convaincre que vous êtes à l’âge d’or du cinéma classique hollywoodien. Confronté à l’horreur de Rapture, le décalage d’avec la chanson jazz-pop en devient carrément marrant. Lorsqu’on crée un univers, on ne rigole pas avec la cohérence chez 2K Games (ceux-là mêmes qui ont édité Borderlands), quitte à faire dans l’ironie.
Ressortir des vieux morceaux classiques pop des années 60 dans un jeu de 2007, en voilà une bonne idée. On découvre un son si classique et pourtant si peu entendu que c’est avec plaisir qu’on plonge dans l’ambiance de BioShock sur fond de Bobby Darin qui donnerait presque envie d’aller s’installer sur Sunset Boulevard, un Bourbon dans la main pour profiter de la télé couleur.
Beyond The Sea, un titre qui non seulement évoque Rapture dans son titre, mais qui en plus cristallise l’époque des Chevrolet, des blondes platines et des private eyes. Un son pop, jazz, rock’n’roll qui sera là pour vous rappeler d’écouter un peu de The Baseballs ces prochains jours, juste pour ne pas oublier l’âge d’or de l’Amérique. Explorer les méandres d’une utopie sous-marine ratée des années 60 accompagné du swing de Django Reinhardt ou de la voix soul de Billie Holiday, le son crépitant du micro d’époque, c’est quand même plutôt stylé. D’ailleurs, ça me fait penser, je vais de ce pas faire un tour près de San Francisco Bay au volant de ma Ford en espérant croiser Kim Novak.
« A man chooses. A slave obeys. »
Andrew Ryan
We are in France, we speak French
Le son de Beyond The Sea fait peut-être typiquement sixties in the USA, mais il s’agit d’une reprise venant directement du pays des mangeurs de grenouilles (vive nous, vive la France). L’original vient de Charles Trenet avec La Mer. Eh oui, en jouant à BioShock, vous écoutez Charles Trenet. Un peu.