INTERVIEW EXCLUSIVE – Nous avons eu la chance de rencontrer Jon Fratelli dans les locaux de l’agence Ephélide la semaine dernière, à l’occasion de la sortie de Eyes Wide. Tongue Tied (exemplaires dédicacés à gagner au bas de l’article !) et d’un concert à venir au Trabendo le 27 octobre.
Entre inspirations révélées, petites histoires, confessions sur la composition ou encore le live, le frêle et distingué leader, guitariste et chanteur de The Fratellis s’est livré à Socrate Flagrant et Indélébile dans ce long entretien, dont nous n’avons pu nous résoudre à vous omettre un seul morceau.
En 2006, votre album Costello Music s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires, faisant de The Fratellis l’une des révélations de l’année tant côté public que presse. Si jamais cela n’avait pas marché, qu’auriez-vous fait ? Un autre job ?
Jon Fratelli – C’était la seule chose que je pouvais faire. Je ne sais rien faire d’autre ! J’aurais continué quoiqu’il arrive, je pense.
En quoi Eyes Wide, Tongue Tied est différent de vos précédents albums ?
Je crois qu’il est différent simplement parce que nous sommes différents. Ce n’était pas le but recherché. La plupart des personnes se souviennent de nous pour notre premier album, mais le plus fou est que je ne pourrais pas réécrire ce genre de chansons aujourd’hui ! Je ne saurais pas par où commencer. Nous ne sommes plus vraiment le même groupe, nous jouons différemment…
Quant à l’album, je pense que nous avons écrit ce que nous avions envie d’y entendre [Sourire].
Me And The Devil, 1er morceau de Eyes Wide. Tongue Tied. (The Fratellis)
Pensez-vous vous être calmés un petit peu avec les années ?
Peut-être… je ne sais pas… non… Si ?
Peut-être que nous sommes un peu plus vieux… On ne peut rien y faire et on s’en rend de plus en plus compte ! Mais notre volonté et notre motivation à jouer est intacte. Sans ça, nous ne jouerions plus, nous arrêterions. Si nous n’arrêtons pas, c’est que nous avons toujours la motivation [“drive”] !
Savez-vous ce qui vous maintient motivé, ce qui vous permet d’écrire de nouveaux morceaux ?
Non, pas vraiment… C’est invisible. Mais j’aime ça !
Qui peut dire ce que c’est, ou pourquoi ? Parfois, tu te réveilles le matin et tu as une chanson. Tant que tu as ça, tu continues de le faire. Le jour où les chansons arrêteront d’arriver, je pense que ce sera le moment de dire stop.
Pour l’instant, les morceaux viennent naturellement. J’essaie de ne pas trop me poser de questions à ce sujet. J’ai toujours écrit les chansons de The Fratellis, cela s’est toujours passé comme ça. J’étais sans doute le plus intéressé par l’écriture et la composition de morceaux dans le groupe. Donc j’ai juste continué de procéder ainsi.
Nous avons trouvé Eyes Wide. Tongue Tied. très divers, avec de nombreuses influences soul, rock, psychédélique, country. Est-ce qu’il y a différents Jon ?
Je pense que c’est principalement dû au fait que j’ai des déficits d’attention. Je ne me concentre pas facilement sur une chose. Je m’inspire donc du moment présent, mais aussi du type de musique que j’écoute à ce moment-là. C’est toujours ressorti dans notre musique. Mais je crois vraiment que l’essentiel est du au fait que j’ai une attention et une concentration à très court-terme.
Dans cet album, les morceaux passent de l’un à l’autre, sans véritable fil. Je pense que c’est simplement parce que je m’ennuie très facilement [Rires]. Je passe d’une chanson à l’autre, jusqu’à ce que cela fasse un album.
Prenez-vous du temps à écrire ? Et à enregistrer ?
Cette fois-ci, peut-être 4 semaines pour enregistrer et peut-être… 3 ou 4 mois pour l’écrire.
Avez-vous un morceau préféré sur l’album ?
J’aime vraiment tout. Vous savez, on ne mettrait pas un morceau que l’on n’aimerait pas sur l’album ! Nous avons même dû laisser quelques morceaux que nous aimions beaucoup de côté, juste parce qu’ils ne sonnaient pas juste avec le reste.
Il y a tout de même la chanson Slow, qui est “arrivée” en un instant. Elle était complètement finie presque instantanément. J’ai souvent une affection particulière pour ces chansons qui arrivent d’un coup. Mais je les aime vraiment toutes.
Sur Slow justement et peut-être sur Desperate Guy, nous ne pouvions nous empêcher de penser à Bruce Springsteen. Est-il une influence majeure de votre musique ?
Oui, tout à fait. Mes influences n’ont pas changé depuis que j’ai 16 ans. Springsteen est peut-être le tout dernier choix de ma collection de disques. Le dernier “grand” dont je soies tombé “in love”. C’est impossible d’empêcher ce genre d’influences de se manifester dans la musique que j’écris. Et oui, c’est une grande influence pour moi.
Ce n’est sans doute pas l’artiste dont les gens auraient pensé que nous nous inspirions…
Un petit côté The River effectivement…
J’adore cet album.
Autre sujet : ces choses sont complémentaires, mais avez-vous des préférences pour le travail en studio/l’enregistrement ou la scène ?
Je ne suis pas sûr d’adorer être en studio. Ce n’est pas très spontané, alors que quand j’écris les chansons c’est complètement spontané, comme une étincelle. On se sent vivant.
C’est la même chose en live. Je ne déteste pas être en studio. Quand on y est, on sait ce qu’on veut faire. Les chansons sont déjà écrites, il faut simplement arriver au point final. Mais je préfère vraiment les choses spontanées, et jouer en live est quelque chose de très spontané. Même lorsque vous jouez les mêmes morceaux tous les soirs. Il y a tant de petites choses qui peuvent rendre ces moments complètement différents. Cela peut être une personne dans la foule, une odeur… Anything. C’est ce qui rend la vie intéressante pour moi.
S’il y avait une chose un peu folle que vous auriez fait sur scène à retenir, ce serait laquelle ?
On n’est pas si aventureux, mais… J’avais l’habitude de monter sur la batterie, très souvent. Mais c’est devenu dangereux, j’ai failli tomber et me faire mal un jour.
Nous ne sommes pas très intéressants vous savez, on joue juste de la guitare. [Rires] On essaie simplement de montrer de l’enthousiasme en espérant entrer en connexion avec le public. Quand cela arrive, c’est fantastique.
J’aime être surpris en concert.
Cela veut dire que vous aimez changer de salle chaque fois que vous revenez dans une ville ?
On est heureux d’aller n’importe où des gens veulent nous voir. Je ne m’en occupe pas vraiment… Cela me permet de rester surpris en même temps !
Est-ce que c’est parfois tendu avec vos frères (Barry et Mince), une sorte de compétition s’instaure-t-elle de temps en temps ?
Non, pas du tout. Nous avons une relation très facile. On ne passe pas beaucoup de temps ensemble, on vit relativement éloignés les uns des autres. Pas parce que nous cherchons à nous éloigner.
Vous savez, on se voit quand on a besoin de se voir, c’est une relation sans problème. On ne se crie jamais l’un sur l’autre, sauf peut-être une seule fois. Nous avons des personnalités très différentes, et sommes au-dessus de tout ça. On ne fait rien l’un comme l’autre, et cela donne un “mix étrange”.
Est-ce que vos chansons sont toutes basées sur des choses que vous vivez et ressentez, à la John Lennon ? Ou plus des histoires à la McCartney ?
Oui, mais je connais assez la musique des Beatles pour savoir que toutes les chansons de Lennon n’étaient pas personnelles. Personnellement, je ne veux pas faire subir aux gens un album entier de mes anxiétés. Je n’ai pas assez d’anxiétés. [Sourires] J’en ai assez pour ressentir une chanson ou une autre. Mais j’aime la fantaisie, le surréalisme… L’écriture surréaliste.
Aimez-vous écrire comme les surréalistes justement ? L’écriture automatique ?
Oui, souvent sur des pages entières, et parfois j’en tire une chanson. Je n’ai pas fait ça depuis longtemps… Je n’ai écrit que 2 chansons cette année vous savez, peut-être que cela s’essouffle, peut-être pas. Pour moi, ce n’est pas beaucoup. Cela reviendra ou non, je suis O.K. avec ça quoiqu’il arrive.
Pour en revenir aux chansons, la plupart sont construites de toute pièce. Certaines d’entre elles sont vraies. Mais je ne vous dirai pas lesquelles. [Sourires] Celles qui sont vraies seront évidentes, en live surtout. Cela garde les choses intéressantes de ne pas savoir. J’aime le mystère.
Si vous aviez à choisir entre Blur et Oasis, vous choisiriez qui ?
Je ne pense pas qu’on puisse choisir entre les deux. J’avais 16 ans quand tout cela a explosé. A ce moment-là, j’écoutais plutôt les Pink Floyd, donc j’étais en marge. J’adorais ces deux groupes, donc impossible de choisir.
Vous avez d’autres grandes influences ?
En matière d’écriture, Bob Dylan bien sûr, et les Beatles.
Bowie ?
Pas vraiment. J’adore ses chansons, mais il y a quelque chose avec Bowie qui m’effrayait. Il était presque trop bon. J’étais un peu intimidé par ses chansons, à quel point elles étaient bonnes. Impossible de faire quelque chose de ce niveau. Il peut faire tout parfaitement. Il est à la fois un incroyable chanteur, un super musicien, un super guitariste, un super batteur, un formidable danseur, un excellent producteur. Il est inspiré quand il parle, si haut au-dessus des autres. Michael Jackson est le seul autre qui m’a fait ressentir cela. D’être tellement au-dessus des autres.
Écoutez-vous beaucoup de musique ?
Non, j’ai complètement arrêté, depuis les 18 derniers mois. Cela ne m’était jamais arrivé. Je ne sais pas vraiment ce que cela veut dire. Peut-être que cela ne reviendra pas. Je passe tellement de temps à jouer… Je mets parfois quelque chose, disons une fois par semaine, et je danse. C’est nouveau ça aussi, ce n’était jamais arrivé. Je commence à danser dans ma cuisine. J’ai passé tellement de temps à jouer et écouter de la musique, je pense que j’ai simplement besoin d’une pause.
Je dois garder mon enthousiasme, pour tout donner sur scène quand nous sommes en tournée, et pour écrire puis enregistrer. Si mes oreilles étaient prises par trop de choses, je perdrais sans doute cet enthousiasme.
Est-ce que vous écrivez sur la route, dans les airs, entre les concerts ?
Je n’ai jamais écrit en tournée. J’ai presque tout écrit dans ma chambre, à Glasgow. Une petite chambre. J’ai toujours eu besoin de cette seule et unique pièce, avec un piano. C’est la même depuis 7 ans. Le premier disque a été écrit dans un tout petit « placard ». On ne peut pas s’inspirer de l’extérieur pour écrire dans ces conditions. Il faut tirer l’inspiration de son imagination. Je pense que j’ai besoin de ce confinement, j’aime ça… Et cela m’a servi jusqu’ici !
Gagnez 2 x 1 exemplaire de Eyes Wide. Tongue Tied. dédicacé par Jon Fratelli !
CONCOURS TERMINÉ
Merci à l’agence Ephélide pour l’accueil, l’interview et les albums dédicacés !