En ces temps troubles, il est de bon ton de prendre la plume ou le clavier et de réparer une injustice. Le fait qu’aucun article n’ait jamais été consacré à Devendra Banhart sur ce blog fait indéniablement partie de la catégorie des oublis regrettables.
Devendra Banhart : d’escogriffe à dandy
Américain d’origine vénézuélienne par sa mère, Devendra Banhart a tout pour lui ou presque : beau comme un dieu, auteur-compositeur de talent, dessinateur et peintre reconnu, skateur émérite et ex-compagnon de Natalie Portman. Celui qui se présentait à ses débuts comme un escogriffe allumé au visage peint et costumes emplumés avant de se transformer en dandy solaire et désinvolte, est passé au fil des albums (qui sont nombreux, l’homme semblant généreux de nature) du statut de figure émergente à celui de figure de proue du mouvement nu folk américain.
Le succès, quand il est mérité, est rarement le fruit du hasard. Avec cette voix nasillarde qui oscille entre tremolo et vibrato, il a la chance de disposer d’un organe qui facilite considérablement l’identification de son (heureux) propriétaire… Et ce n’est pas rien dans ce business ! Si on y ajoute une facilité d’écriture insolente, lui permettant de remplir des disques avec des compos qui varient du remarquable à l’exceptionnel, on se dit qu’il était grand temps de remettre cette église au milieu du village.
Jon Lends a Hand : du feutre à la dentelle
Réparons maintenant le tort fait à cet homme qui a déjà tant. Pour ce faire, nous avons sélectionné Jon Lends a Hand, 3e extrait du dernier album de Devendra Banhart sorti en septembre 2016. Le magnifique Ape In Pink Marble (nom de l’opus) s’inscrit manifestement parmi ses meilleures productions à ce jour. Et au sein de celui-ci, l’intro de Jon Lends a Hand fait dans le feutré. Un arpège de guitare lo-fi telle une fine branche sur laquelle vient délicatement se poser la voix de Devendra Banhart. Son le timbre a évolué depuis ses débuts pour gagner en rondeur (voir plus bas). Un peu comme Dylan sur Nashville Skyline en 69.
Ce que cet homme arrive à exprimer dans les 60 premières secondes de cette chanson a de quoi décourager plus d’un apprenti-compositeur. Les présentations faites, il nous emmène alors au pied d’un de ces petits ponts de bambou qui permettent d’enjamber les rivières exotiques… Avant de plonger dans la partie finale qui se résume à faire tourner la plus belle phrase musicale du titre telle un mantra.
L’écriture est un modèle du genre, une sorte de démonstration de la maitrise de l’art de la dentelle la plus fine en l’espace de 2’30”. Quand on pense que de pauvres femmes s’escriment toute leur vie sur ce truc sans arriver à rien… Ça permet de mesurer l’étendue de l’exploit.
Si cette balade est dédiée à Miss Portman, on peut imaginer qu’elle a de quoi regretter de ne pas avoir gardé son auteur bien au chaud contre son petit coeur. Car ce n’est pas tous les jours qu’on tombe sur quelqu’un capable d’un aussi bel hommage.
On vous laisse le loisir des faire les rapprochements avec d’autres artistes, Devendra Banhart ressemble surtout à Devendra Banhart et c’est déjà très bien.
En prime on vous offre Santa Maria Da Feira, un des titres-phares de la première période de Devendra Banhart. On peut y admirer son bel espagnol (l’homme est linguiste, il chante aussi en allemand), le timbre plus anguleux de la voix mais aussi – et surtout- ses talents de compositeur. Le genre de morceau qui met tout le monde d’accord…