Le duo français The Blaze signe sous le label Animal 63 un 1er EP – Territory – qui s’installe sur la scène musicale comme un objet artistique rare, sublime et mystérieux à la fois. On plonge ici dans un univers quasi chamanique où les voix graves auto-tunées surfent sur des sonorités douces d’électro-house.
Un duo aussi mystérieux que talentueux
Si l’on ajoute à cela l’extrême discrétion du groupe (pas ou peu d’interview), on comprend que leur apparition ait déclenché sur la toile une avalanche de posts et comments depuis le début de l’année.
En réalité, tout a démarré avec deux « œuvres » cinématographiques : les deux clips qui ont révélé le duo, Virile et Territory. Il est rare qu’un groupe se fasse d’abord remarquer par une imagerie puissante. Mais l’aspect visuel et le son sont indissociables chez The Blaze.
Leur premier clip Virile nous emmène dans la banlieue bruxelloise avec un huis clos envoûtant : un squat, deux potes en survêt fumant de la weed et un dance-floor aménagé. Déjà, ce premier titre a intrigué au-delà de la scène électro. Virilité masculine et danse-contact s’unissent et se superposent de manière touchante. Les deux danseurs, issus du théâtre, sont charismatiques et troublants de sincérité.
Territory, musique hypnotique et corps en mouvement
Avec Territory, on part dans la cité d’Alger. C’est le retour au pays pour Dali, le personnage principal. Ce jeune acteur (un ancien du cours Florent) capte d’emblée l’attention. On est happé par sa présence et son jeu réaliste. Une fois encore, l’amitié virile côtoie la douceur des corps en mouvement. La musique hypnotique nous donne presque à voir de jeunes derviches en transe, on est comme invité à la danse, pris d’empathie pour ces personnages. The Blaze peint ici un univers proche des ambiances urbaines d’Abdelatif Kéchiche, où les protagonistes s’offrent sans code de jeu, juste eux, l’instant et la caméra…
The Blaze : 2 cousins, 2 maîtres d’oeuvre
Les deux producteurs français sont en réalité deux cousins, réunis autour d’un projet sons-images. Jonathan Alric, sorti d’une école de cinéma, a navigué entre Côte d’Ivoire et Pérou. Guillaume Alric est le local du groupe, même s’il a baroudé un peu en France et a expérimenté différentes formations musicales. Il est majoritairement la voix de The Blaze sur cet EP. Leurs deux talents se sont télescopés à Paris.
La poésie, l’esthétisme, l’amitié, la famille et les corps gay-friendly sont au cœur de leur univers stylisé. Les textes simples voire simplistes (« when you hold me, I’m alive », « you’re the best friend of my life », « there’s nobody like my mum ») sont sublimées par la danse extatique et la voix de Guillaume, maquillée par l’auto-tune. Elle véhicule une grâce et une fragilité surgissant par delà le phrasé approximatif.
Une oeuvre musicale pleine de poésie et d’esthétisme
Quant à l’œuvre musicale, notons la durée limitée de l’EP : six titres et à peine vingt minutes. Mais l’objet est construit avec intelligence et précision. Le prélude superbe et captivant est une invitation à poursuivre l’exploration. Les deux tubes arrivent comme une claque avec leurs basses profondes et leur rythme dance. Puis, nouvelle plage soft avec un interlude d’une grâce épurée. Et là, on reçoit deux nouveaux titres puissants et tout aussi hypnotiques que les deux morceaux phares. Sparks and Ashes clôture l’EP et renvoie encore à l’amour, l’amitié et même le feu comme élément de chaleur fraternelle.
Mais au-delà de la mièvrerie, on plonge avec joie dans leur transe mélancolique. Cette construction intense entrecoupée de sas où lenteur et douceur s’installent, rappelle le concept de « musée idéal » développé par le plasticien Daniel Buren. Entre deux espaces pleins et colorés où l’oeil est happé par chaque espace, il construit des interstices vides pour laisser le rêve s’installer et l’esprit vaquer à d’autres images.
Territory est dans cette veine, et finalement le goût de trop peu que l’on pourrait ressentir a priori devient une invitation à découvrir d’autres créations tout aussi magnétiques. À commencer par le LP prévu début 2018…
