Rennes, 2 décembre. La mélancolie transalpine d’Andrea Laszlo de Simone enveloppe tout Jean Vilar…Un faux air de Frank Zappa avec sa large moustache brune et sa belle tignasse, le trentenaire turinois débarque à Rennes pour deux soirées à guichet fermé. Il était programmé pour les Transmusicales 2020 mais Covid oblige, Jean-Louis Brossard et sa bande ont remis l’évènement à cet automne au Théâtre National de Bretagne.
Je fais ici amende honorable car je suis passé un peu à coté de ce trésor de pop mélancolique qu’est Immensita sorti juste avant le confinement. Je voyais passer les papiers dithyrambiques dans la presse spécialisée notamment chez Indeflagration. J’entendais ces échos enthousiastes mais je restais sur une impression juste agréable associée à une belle découverte. Point.
Andrea Laszlo de Simone, l’artiste le plus attendu des Transmusicales 2021
Les Transmusicales de Rennes vont me pousser illico à revoir ma copie. Un ami bruxellois me sollicite la veille pour le rejoindre salle Jean Vilar et découvrir le phénomène en live.
« Il faut y être, me glisse t-il, il finit sa tournée chez vous et va disparaitre un long moment, il veut s’occuper de ses mouflets… »
So, let’s go pour les Trans 2021 ! Arrivé à la bourre, je vois à peine le breton Brieg Guerveno en 1ère partie et sa pop plutôt élégante. A la pause, je traine un peu du côté du bar et je réalise alors que la communauté turinoise est bien représentée. Les aficionados ont fait le déplacement et pas qu’un peu ! Le gars est attendu manifestement, ça débarque donc de Belgique, d’Italie et d’ailleurs sûrement… Philippe Katerine est aussi venu la veille pour le premier show et je suis bien heureux d’en être quelques minutes avant d’entrer en salle
L’Italien met le public rennais à genoux
22h. Annonce au micro du TNB : « Les artistes vont rentrer en scène dans quelques instants, veuillez regagner vos places ! » Je découvre alors un plateau déjà impressionnant de prime abord. La flopée d’instruments indique une orchestration alléchante. Et de fait, onze musiciens suivis du très attendu André Laszlo De Simone pénètrent dans l’antre. Tous s’emparent de cuivres, violon, violoncelle, batterie, guitare, basse, claviers… et deux choristes accompagnent le chanteur qui s’installe timidement au synthé.
Une longue intro met l’assistance au parfum, ce n’est que grâce et orchestration magistrale. Il aura fallu ces cinq minutes d’instrumentation pré-Immensita pour capter le millier de spectateurs présent. Le ton est donc donné, le déplacement en valait la peine et on va savourer un beau temps de pure création…
Le set d’une heure et demie va définitivement me faire passer de l’oreille curieuse à l’adhésion totale et le quasi envoûtement. La pop symphonique du bel Andréa prend tout son sens sur scène. On sent le travail millimétré et l’envie d’offrir un son savamment orchestré.
L’artiste se dit pourtant stressé par la scène, préférant le travail de studio et l’écriture de chansons. De fait, il enchaine clope sur clope, la gardant même en bouche pour Fiore Mio. Les volutes se perdent sur l’immense plateau et participent aussi au mystère entourant ce désormais grand monsieur de la scène musicale italienne. « Je ne me sens pas comme musicien » lance Andrea Laszlo de Simone à un média français. Il n’a de cesse également de scruter ses musiciens placés derrière lui. Il fait même des va-et-vient entre eux et son clavier. Il avoue avoir du bonheur à regarder ses acolytes jouer ses morceaux mais reste intimidé quand il fait face au public. Il semble un peu étourdi par l’engouement qui entoure sa prestation.
Ce beau soir de décembre, Andrea Laszlo de Simone reprend intégralement les quatre somptueux chapitres de son Immensita qui s’apparentent sur le fond à une lutte pour la vie. Les interludes déjà présents sur le disque vinyle prennent ici toute leur dimension et leur ampleur. On rentre dans chaque morceau par ces minutes d’orchestration soignée et étirée.
Les deux nouveaux titres sortis après l’EP sont aussi distillés avec grande classe pour le public rennais. Dali giono in cui nato tu est une ode à ses deux fils qu’il souhaite rejoindre pour un temps certain, et Vivo plus posé , sonne comme un appel à la résilience. « On a tous été touché par la pandémie et d’autres difficultés mais on a déjà affronté pire que cela et on finira par s’en sortir à nouveau » semble nous dire le chanteur italien.
Une inspiration et un sens de la création peu ordinaires
Le charme et la grâce de la prestation résident dans l’alternance entre cette pop symphonique et mélancolique qui le caractérise mais aussi des envolées puissantes et délirantes comme sur Méglio ou Vieni a Salvani où l’on sent toute l’énergie du turinois qui pour un temps se transforme en félin arpentant la scène avec fougue, presque possédé même. Il est juste beau à voir notre bel italien…
A l’issue du set, la salle se lève comme un seul homme et de longues minutes s’étirent pour juste dire merci aux douze performers. Ces derniers se prennent carrément dans les bras un peu sonnés par tant d’enthousiasme.
Je sors heureux d’être passé par le TNB ce 2 décembre et convaincu d’avoir assisté à un temps de communion et de pure création. Pourtant l’énigme reste totale pour moi : où Andrea Laszlo de Simone puise t-il son inspiration ? Sa musique est hors norme et hors circuit, quelque chose de cosmique et cinématographique à la fois.
Il avoue ne pas avoir d’influence précise et même être dépourvu de culture musicale. Cela ne fait que renforcer le mystère. Je repars avec cette belle interrogation et l’envie certaine de revoir notre Zappa italien sur d’autres scènes et empli d’autres musiques tout aussi spectrales… Grazie mille Andrea !