Nous – Indesilver et Dandy Flagrant – revenons sur notre rencontre avec les Quatre (Fantastiques) membres (déjantés) de Little Dragon à Rock en Seine fin août. Ces amis de lycée ont essayé de surmonter leur timidité suédoise pour se confier à nous. Découvrez leur histoire, leurs influences, leurs envies et leur style dans une interview décalée entre “Salsa Picante” et “Fantastic Sex”.
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Membres de Little Dragon :
- Yukimi Nagano (voix)
- Erik Bodin (batterie)
- Fredrik Källgren Wallin (basse)
- Håkan Wirenstrand (clavier)
| Voir aussi : le live-report de leur set à Rock en Seine 2017
Little Dragon : « C’était un très gros bébé. »
Vous vous êtes rencontrés au lycée mais pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la naissance de Little Dragon ?
HW : On a dû pousser…
EB : Ouais ! C’était un très gros bébé [rires], mais on l’a fait. En fait, je pense que la naissance s’est vraiment faite quand Håkan est arrivé à Göteborg, parce qu’avec le reste de la bande on s’est bien rencontrés au lycée, puis Hakan a déménagé à Göteborg et…
FKW : On s’est installés ensemble.
EB : Ouais, on s’est installés ensemble…
FKW : Puis on s’est retrouvés à tous vivre dans la même baraque, et c’est devenu notre studio. Je crois que c’est toi qui as eu un échantillonneur MPC au départ…
EB : Que Yukimi a acheté…
FKM : Que Yukimi a acheté, donc c’est toi qui l’avais…
EB : Ouais, c’est vraiment une « beat head » ! [rires]
FKW : Puis tu t’es pris un PC
EB : « Tu t’es pris un PC » [rires], ouais !
FKW : Peut-être que tu en avais déjà un, je ne sais plus. Et on a commencé à s’enregistrer.
Et c’était l’idée de qui ?
EB : On n’a rien planifié, ça s’est un peu fait tout seul sans qu’on en ait vraiment conscience, en se rapprochant les uns des autres. Rien ne s’est fait jusqu’à ce qu’un pote ait entendu notre musique et veuille qu’on sorte quelque chose. C’est là que nous nous sommes dit « oh peut-être qu’on est un groupe ou quelque chose dans le genre, on peut … peut-être qu’on peut faire quelque chose ».
Est-ce qu’il y a un leader dans Little Dragon ?
EB : Noooon
FKW : Il y en a tellement ! [rires]
EB : 4 leaders, ouais !
Comment vous fonctionnez quand vous écrivez vos textes et vos musiques ? Qui fait quoi ?
HW : On va en général au studio tous les jours. On essaye différents arrangements, différents sons, et ensuite on les joue devant Yukimi qui va soit nous faire un « hum » (pouce en l’air) ou « hum » (pouce vers le bas).
YN : « C’est pas encore ça », « ce serait mieux comme ça, avec un peu plus de… »
HW : Avec un peu de chance ça t’inspire.
YN : Ouais j’écoute ce que vous avez fait et je dis« hum » (pouce en l’air) ou« hum » (pouce vers le bas) et ensuite je rajoute des paroles et ils font« hum » (pouce en l’air) ou« hum » (pouce vers le bas).
EB : Exactement !
Donc d’abord la musique, vous testez plusieurs arrangements tous ensemble, et c’est seulement ensuite que vous chantez et ajoutez des paroles ?
EB : Ouais c’est ça !
« Avec le temps, on réalise qu’il n’y a pas de destination finale »
Ça fait quoi de se dire que Little Dragon peut maintenant boire légalement aux Etats-Unis ?
YN : Boire légalement ?
EB : Ah ouais parce que notre groupe est adulte.
YN : Oh ! Ouais ouais ouais !
EB : C’est le temps qui passe…
HW : Aaaaah, être un adulte !
FKW : [rires]
EB : C’est marrant parce qu’en fait … Je pense que… On a toujours eu ça. On a commencé et on a toujours voulu aller plus loin. On voulait vraiment faire ce qu’on fait aujourd’hui et on était vraiment affamés, du genre « allez, on donne tout, on avance, on peut être là aussi ». Finalement, quelque part, on continue de penser et d’espérer en permanence qu’on peut « arriver là ». Et puis on se retrouve à avoir produit 5 albums, et à faire des tournées depuis un bout de temps déjà. Je pense qu’au fond, quelque part, on est un peu « là » mais que, mentalement, on n’arrive pas à se l’avouer, à accepter cette idée …
YN : Où sommes nous d’ailleurs ?
EB : Oui, où sommes nous ? [rires]
EB : Qu’est ce que ce « là » au fond ? C’est quelque chose dont on prend conscience avec le temps, un jour on réalise que ce « là » n’est pas la destination finale.
« C’est comme la salsa ! La Salsa Picante ! »
Vous avez exploré plein de styles et de genres musicaux différents et les variations sont grandes d’un album de Little Dragon à l’autre. Comment décririez vous ce mélange ?
YN : C’est un gros mix. C’est un peu ce que vous voulez, et ça change d’une chanson à l’autre, chaque morceau a sa saveur mais c’est cool de laisser le choix à celui qui écoute ou au journaliste qui voudrait écrire quelques phrases sur ce que cela lui inspire. Mais pour nous c’est juste une question d’honnêteté dans l’écriture de notre musique, sans trop réfléchir à ce que c’est. Après, on espère bien que quelqu’un pourra être touché par cette musique ou même danser dessus.
EB : On veut faire de la musique qui n’a pas de frontière, on ne veut pas se sentir prisonniers d’un genre quelconque…
YN : On ne veut pas se sentir piégés dans une appellation, vous voyez…
FKW : C’est un peu comme de la salsa ! [rires]
EB : Ouais, salsa serait un des mots que l’on pourrait…
FKW : Salsa picante !
EB : Salsa picante, évidemment ! [rires]
YN : Il y a plein de mots possibles.
Est-ce qu’il y a de nouveaux styles musicaux justement que vous aimeriez explorer ?
YN : Oui bien sûr !
EB : Du fantasy heavy metal [rires]
YN : Pourquoi pas. Je ne sais pas si on a planifié ou prévu quoi que ce soit, mais nous pensons plus à l’idée de faire des choses différentes, sans vraiment savoir à l’avance ce que ce sera.
EB : On apprend toujours comment mixer et produire, parfois on se dit « oh ouais c’est bon là ». On est toujours en train de découvrir cet univers, mais en fait on se retrouve assez facilement dans un univers trop propre. Peut-être qu’on devrait explorer aussi un univers plus… fragile… plus…
FKW : Crade…
EB : Ouais crade, rugueux, brut, mais aussi…
FKW : Immédiat, authentique…
EB : Et salsa picante. Par exemple, j’ai écouté King Krule, il a enregistré son single, ça véhiculait une forme de fragilité, de vulnérabilité, mais la musique est hyper tranchante, elle te transperce et touche directement ton âme, il n’y a aucune couche de vernis inutiles. Bien sûr ça devrait bien sonner, mais je pense que c’est aussi trop facile quand on se produit soi-même de vouloir faire toujours mieux. Ce n’est peut-être pas ça l’essentiel. Je ne sais pas si c’est clair.
Est-ce qu’il y a des groupes ou des artistes avec lesquels vous aimeriez collaborer dans le futur ?
EB : Kanye West
YN : Kanye West, ouais [rires]. Chance the Rapper peut-être ? Je ne sais pas. On ne fait que balancer des noms ! [rires]
Vous avez déjà essayé de les contacter ?
EB : Nooon !
YN : Hum non ! Mais pourquoi pas ?
HW : Ouais, c’est vrai qu’on devrait essayer plus souvent.
YN : Ouais, on est suédois donc on est timides. On devrait travailler là dessus. On aime quand ce sont les autres qui viennent vers nous…
EB : On ne veut déranger personne.
Peut-être qu’on peut leur passer le mot, et ensuite ils essayeront peut-être de vous contacter !
Tous :[rires]
YN : Absolument !
EB : Ouais, très bien !
« Je n’ai pas envie que l’on me colle le label « Suède ». Si c’est une frontière, j’ai juste envie de la dégommer. S’il me fait me sentir bien par contre, je l’accepte »
À propos de la Suède, dans quelle mesure pensez vous que la culture suédoise et vos origines ont influencé votre musique ?
EB : Nous avons cette musique folk suédoise qui est ce qu’elle est. C’est très mélodique et je pense que pour beaucoup d’entre nous, même si on est plusieurs à ne pas avoir de profonde connexion avec elle, à ne pas en jouer, elle reste là, en nous. Donc je suis sûr qu’il y a inconsciemment en nous cette sensibilité pour les mélodies mélancoliques… Parce que nous avons été exposés à cette musique.
YN : Ouais, on n’est pas toujours conscients de ce qu’on fait et de ce qu’on joue mais je me souviens que quand on s’est rencontrés il y avait Stina Nordenstam, une chanteuse indie pop suédoise… On l’avait écoutée, il y a pas mal d’années. C’était très triste et pop, et à cette époque c’était une réelle influence. Ouais c’est vraiment très représentatif de ce style mélancolique suédois.
EB : Bien sûr il y a aussi …
FKW : ABBA.
EB : Il y a ABBA [rires]
YN : Ace of Base…
EB : Je ne sais pas pour vous… Je n’ai pas spécialement envie que l’on me colle le label « Suède ». Bien sûr, je suis de là-bas donc je suis suédois. Mais si on le voit comme une frontière, j’ai juste envie de la dégommer. S’il me fait me sentir bien par contre, je l’accepte volontiers, donc bon…
HW : Je pense en fait qu’on est plus une synthèse de plein de pays du monde, que simplement des Suédois.
Vous avez fait plein de festivals et de concerts. Est-ce que vous avez un souvenir mythique à partager ou quelque chose d’inhabituel qui vous est arrivé et que vous pourriez nous raconter ?
YN : On peut vous raconter l’un des pires souvenirs [rires]. Non mais, l’un des derniers concerts qu’on devait faire, on jouait entre A Tribe Called Quest et Gorillaz… Tribe a annulé à la dernière minute et on a joué à leur place. C’est un ressenti très personnel car en soit c’était super, et je suis sûr qu’il y avait pas mal de gens dans le public qui ont apprécié notre concert. Mais je trouvais ça très dur de prendre la place de quelqu’un d’autre, de jouer à leur place devant un public qui n’est pas forcément venu pour nous !
HW : Ouais on avait l’impression que tout le monde était quand même un peu déçu.
YN : Ils ne pouvaient pas voir le groupe pour lequel ils étaient venus.
HW : On ne correspondait pas forcément à leurs attentes…
YN : Ouais et il y avait énormément de gens pour nous écouter, peut-être 50 ou 60.000, donc ça faisait du monde. C’était cool mais difficile.
« Fantastic Sex, c’est parfait pour décrire Little Dragon ! »
Est-ce que vous pourriez vous mettre d’accord sur un mot qui décrirait le mieux Little Dragon, pour quelqu’un qui ne vous connaîtrait pas forcément ?
FKW : Fantastique.
YN : SEX !
EB : Fantaaastique !
Fantastic Sex ?
[Rires collectifs]
EB : Fantastic sex, ça sonne pas mal !
YN : Ouais ouais ouais, partons là-dessus !
Très bien, nous l’écrirons en énorme et en majuscules pour que le message passe bien, merci à vous tous !