Nous étions ce jeudi soir dans le Grand Théâtre Lumière pour la séance de minuit du film documentaire de Jim Jarmusch sur Iggy Pop et Les Stooges, Gimme Danger, présenté au Festival de Cannes. Un film qui retrace le parcours de Jim Osterberg (alias Iggy Pop), entre témoignages face caméra et films d’archives superbes. Une véritable complicité transparaît entre le chanteur et le réalisateur, déjà partenaires dans Dead Man (1995) et Coffee & Cigarettes (2004).
| Voir aussi : Concert – Iggy Pop : L’Iguane a enflammé le Grand Rex (15 mai 2016)
Iggy Pop : la rage de vivre
On revient sur les débuts d’Iggy Pop en tant que batteur avec les Iguanas, très vite lassé de « voir uniquement les fesses » des chanteurs. Puis avec le groupe de blues, The Prime Movers, qui lui a beaucoup appris.
C’est en 1967, après sa rencontre avec les frères Asheton, que les Stooges se forment. Ils décident de se mettre sérieusement à la musique après avoir rencontré un groupe de gamines de 16 ans « meilleures qu’eux ». Apres avoir signé chez Elektra (en même temps que leurs so called « grands frères », les MC5), ils enchaînent les concerts dans les petites salles. Iggy danse, se contorsionne avec une énergie folle qui a le don de stimuler la créativité des autres membres du groupe. Il va même jusqu’à se jeter dans la foule, inventant le « stage diving », au prix d’une dent cassée.
Ils enregistrent leurs deux premiers albums : The Stooges en 1969 avec les titres mythiques, I Wanna Be Your Dog (Face A) et No Fun (Face B) puis Fun House en 1970. Iggy confie à Jarmusch avoir été marqué par un personnage de dessin animé qu’il regardait jeune, auquel il fallait envoyer des lettres de 25 mots ou moins (Twitter en 9 fois plus radical). Cela l’inspira au moment de composer des chansons, un style simple et brut. No Fun, My Babe, No Fun.
Puis, Iggy rencontre Nico, de 10 ans son aînée, qu’il décrit comme une femme d’une beauté et d’une sensibilité artistique exceptionnelle. Il prenait l’habitude de l’écouter et elle passa quelques semaines chez eux, après sa rupture avec Lou Reed, qu’elle mentionnait dès qu’elle le pouvait.
Au début des années 1970, le groupe sombre dans la drogue, parfois incapable de jouer. C’est le « vraiment cool » David Bowie qui relance Iggy et le fait venir à Londres pour enregistrer, David Bowie cherchait à se rapprocher de la mouvance américaine après avoir produit un album de Lou Reed. Le groupe se voulait cependant indépendant et refusa que Bowie produise leur album Raw Power, qu’ils créent dans la liberté la plus totale. James Williamson, qu’Iggy compare à un « chien renifleur de drogues lâché dans un appartement », intègre le groupe, reléguant Ron Asheton à la basse. Iggy décrit James comme un guitariste capable d’explorer des territoires encore inconnus, et d’être présent sur des lieux musicaux très divers. Il explique notamment être allé chercher des notes très hautes sur Search & Destroy (une octave au dessus par rapport à No Fun) pour s’adapter au jeu de James Williamson.
Le film évoque peu les années 1974 – 2003 et les travaux solos d’Iggy Pop. Il mentionne rapidement la reconversion de James Williamson en ingénieur informaticien de la Silicon Valley et la postérité des morceaux légendaires des Stooges, qui seront repris par les Sex Pistols, Sonic Youth ou les Buzzcocks.
Jarmusch choisit alors d’interviewer davantage Iggy sur la reformation des Stooges en 2003 à l’occasion du festival de Coachella. Ron Asheton meurt en 2009, provoquant le retour de James Williamson, tandis que Steve Asheton et Steve MacKay quittent ce monde en 2014 et 2015.
Gimme Danger : un documentaire vraiment “cool”
Le plus beau parti du film est sans doute le choix de Jim Jarmusch de décrire les Stooges a travers le regard d’Iggy Pop. Jarmusch arrive à merveille à capter tant l’émotion que l’humour du chanteur lorsqu’il évoque son groupe mythique. Pour paraphraser Iggy lors de son discours au Rock And Roll Hall of Fame :
« Les frères Asheton étaient cools, les MC5 étaient cools, les Stooges étaient cools et tous ceux qui ont un jour aimé le Rock ‘n’ Roll étaient cools. »
On conclura donc simplement en disant que Jim Jarmusch et son documentaire étaient également vraiment cools. De quoi mobiliser les spectateurs dans une standing ovation impressionnante à l’issue de la projection.