Salut Jordan ! Les deux chansons que tu viens de jouer au Studio Flagrant : Baby Moses et No Salesman (voir ci-dessous) de quoi parlent-elles ?
Jordan Klassen : Baby Moses parle d’une part de moi … C’est un peu un retour dans le passé, mes 20 ans…
Désolé mais, tu as quel âge au fait ?
Je viens d’avoir 30 ans. La période de mes 20 ans était assez agitée et chaotique pour moi. J’ai essayé de me remémorer toute cette période et de rassembler les pièces entre elles. Baby Moses c’est un peu moi revenant sur mon passé, me disant : « J’aurais aimé pouvoir les connaître à ce moment là, j’aurais pu faire ça et ça et puis ça et je n’aurais pas passé tout ce temps à être complètement paumé et déprimé »
Voilà un peu le déroulement du film. Mais tu vois, à la place, je me voyais plutôt comme le bébé Moïse, une chose flottante, ce gosse dans un panier sur une rivière…
C’est l’idée qui se dégage de cette chanson.
Session flagrante de Baby Moses par Jordan Klassen
No Salesman parle d’une relation amoureuse qui a foiré. J’ai essayé de faire ressortir des émotions qui reviennent souvent dans mes relations du style : « J’ai conscience de tous ces problèmes … mais je t’aime au delà de tous ces problèmes » et à la fin de la chanson : « peut-être qu’en fait je ne t’aime pas mais que je veux juste que tu restes avec moi… ». Mais en général les gens ne l’interprètent pas comme ça, ils la voient simplement comme une chanson d’amour.
Session flagrante de No Salesman par Jordan Klassen
Quels artistes t’ont particulièrement inspiré ? Des artistes canadiens ?
Oui il y a quelques artistes canadiens … J’adore Patrick Watson par exemple. Et puis aussi Sufjan Stevens qui est une vraie référence pour moi, j’apprécie vraiment son travail. Et puis pour cet album j’ai pas mal écouté de musiques planantes [ethereal music], des musiques des eighties… et puis Peter Gabriel !
Il y aussi ce groupe qui s’appelle Cocteau Twins. C’est assez étrange mais j’aime vraiment bien haha.
Tu as toujours joué de la folk ?
J’ai grandi avec la pop, le rock’n’roll et l’indie pop. Vers mes 20 ans, j’ai rejoint un groupe de rock et me suis sérieusement mis à la guitare, enfin un peu comme tout le monde à cet âge-là haha
Donc j’ai fait comme ça mais je pense qu’au fond, la musique calme, douce, a toujours été celle qui me parlait le plus. C’est celle qui m’inspire le plus et qui me fait me sentir en paix avec moi-même. Je sais que pour d’autres c’est le métal, ou je ne sais quel style… Mais je pense que l’essentiel c’est vraiment ça : trouver LA musique qui nous fait nous sentir être quelqu’un, la musique qui nous représente…
Quand tu es sur scène, tu préfères jouer en solo ?
J’ai l’impression que je suis davantage en connexion avec le public quand je joue en solo. Et puis je peux moduler mon jeu beaucoup plus facilement, j’ai plus de flexibilité. Après… Avec le groupe ça a le mérite d’être plus dynamique, plus « fun », ce qui est tout aussi génial ! Donc ça n’a rien à voir, ce sont deux mondes complètement différents.
Quand tu es en tournée et que tu joues tous les soirs, tu joues et composes aussi le reste du temps, pendant la journée par exemple ?
Oh oui ! Et même plus que d’habitude pendant cette tournée. J’ai récemment signé un contrat avec un super label en Amérique [Nevado Music] pour lequel j’écris, et puis j’essaye aussi d’écrire pour des films, pour la télévision … J’essaye d’écrire tous les jours, même quand je suis en tournée.
Est-ce que tu penses avoir besoin d’être « sous tension » quand tu écris tes textes ? Si tu étais complètement heureux, est-ce que tu te sentirais capable d’écrire ?
Oui je pense. Il m’est arrivé pas mal de m**des durant ces 10 dernières années… Enfin en parallèle j’ai bien conscience que je suis très privilégié, je suis un blanc de la classe moyenne et je vis au Canada. Mais il y a eu une période sombre et dure émotionnellement dans ma vie. Aujourd’hui je suis bien plus heureux qu’avant et j’écris pas moins pour autant, j’écris même peut-être plus aujourd’hui !
Mes nouvelles chansons sont différentes, peut-être plus philosophiques, plus recherchées …
Est-ce que le lieu où tu te trouves a une influence sur ta créativité ?
Oui, ça joue vraiment un rôle. Par exemple, quand j’étais en Espagne, il a fait super beau et je me suis senti vraiment inspiré. Alors que pendant l’une de nos tournées en Angleterre, il a fait gris, pluvieux, et j’ai écrit très peu pendant toute cette période.
Donc pour que Jordan Klassen écrive une chanson, il faut qu’il fasse beau !
Haha ! Oui, je crois que mon inspiration dépend définitivement du temps qu’il fait.
Quelle est ta chanson préférée de l’album, celle dont tu es le plus fier ?
J’aime vraiment beaucoup l’opening track: Glory B. C’est super différent de tout ce que j’ai pu faire jusqu’ici j’ai l’impression … J’en suis assez fier oui haha.
Quand tu t’es lancé dans l’écriture de ton album Javelin, tu voulais apporter quelque chose de nouveau à ton style musical ? Comment ça s’est passé ?
Je pense que je m’étais fixé quelques directives, quelques bases sur lesquelles m’appuyer quand j’ai commencé à composer la musique. J’ai toujours aimé les musiques apaisantes, calmes, « planantes », avec pas mal de reverb. Et puis tout ce qui est un peu cinématographique, imagé … J’ai toujours voulu associer toutes ces dimensions dans mes musiques mais c’est comme si, pendant longtemps, il y avait eu une sorte de retenue.
Cette fois-ci j’ai vraiment souhaité incarner cette musique douce et planante, celle qui me représente vraiment. J’ai aussi voulu que ma musique soit le reflet de celle qui m’a inspiré jusqu’à aujourd’hui, comme celle d’Anya Marina ou Peter Gabriel par exemple…
Tu sais jouer de tous les instruments ?
Je ne joue pas de cordes classiques, mais sinon oui, je joue de tout !
Sur scène tu chantes toujours avec ta guitare ?
Oui sur scène je joue toujours de la guitare, et du ukulélé aussi.
Et quand tu es avec ton groupe, tu aimes bien passer d’un instrument à un autre comme Sufjan Stevens fait souvent dans ses concerts justement ?
Haha, je n’ai pas du tout la technique de Sufjan Stevens, je ne suis pas aussi pro. Mais je passe parfois aussi par le piano oui.
Ça n’a pas vraiment de rapport avec la musique, mais que penses-tu du nouveau Premier ministre canadien Justin Trudeau ?
Je suis un peu cynique en ce qui concerne la politique en générale et particulièrement la politique canadienne. Je pense qu’il y a une énorme division entre la droite et la gauche, et particulièrement dans l’Ouest du Canada. J’ai l’espoir que Trudeau fasse le pont entre tous ces partis, parce qu’il en existe beaucoup au Canada.
Et puis, il est plutôt beau haha. J’ai vraiment de l’espoir. Et puis je pense aussi que les gens sont très excités à l’idée d’un tel changement et je suis un peu le mouvement ! Nous verrons bien. Je pense déjà qu’on peut dire qu’il a fait un boulot assez fou pour en arriver jusqu’ici. On va voir comment les choses vont évoluer maintenant pour notre pays, nos derniers gouvernements ont été plus destructeurs qu’autre chose…
Tu aimes bien Arcade Fire ?
Oui ! Qui ne les aime pas ? C’est comme quand des gens me demandent : « Vous aimez Paris ? ». Je les aime vraiment beaucoup, c’est un peu des Dieux du rock indé au Canada.
Peut-être même dans le monde entier ! Pour terminer, est-ce qu’il y a une scène ou un festival que tu aimerais vraiment faire un jour ?
J’ai toujours eu cet objectif de jouer un jour dans ce grand théâtre de Vancouver : The Orpheum, dans lequel j’ai d’ailleurs vu Sufjan Stevens jouer. J’adorerais y jouer un jour. J’aime bien les grands théâtres en règle général, je pense que ma musique est plus adaptée à ce type de lieux qu’à des bars ou des clubs, par exemple.
Tu es influencé par le lieu dans lequel tu joues ?
Il y a l’énergie qui se dégage du public, et puis le jeu de lumières, la taille de la scène, la qualité du son aussi évidemment… Mes ressentis à la fin d’un show dépendent vraiment de toutes ces choses réunies.
Pour en savoir plus sur Jordan Klassen :
- Notre chronique de Javelin de Jordan Klassen
- Le live-report du concert de Jordan Klassen à L’Espace B le 24 février dernier
- Notre session flagrante avec Jordan Klassen