Cette année encore, nous avons la chance de couvrir le festival Rock en Seine. Pour cette édition 2018, les organisateurs ont pris des risques avec un line-up qui apparaît vite très réparti entre rock, électro et rap (en force cette année avec des noms comme Post Malone et PNL). Au point que l’on se demande si les publics de ces trois genres principaux seront suffisamment séduits pour se déplacer…
Si la programmation de Rock en Seine 2018 en devient du même coup moins fournie côté rock, certaines nouvelles têtes méritent qu’on vienne les découvrir sur scène, et c’est donc plein d’espoir que nous rejoignons le parc de Saint-Cloud…
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Vendredi 25 août 💡
Rock en Seine 2018, c’est parti ! Premier jour en solo ? Pas tout à fait, puisque j’ai la joie de retrouver le valeureux Indéflation devant la scène Firestone, revêtu d’un chapeau Firestone – qu’il n’est vraiment pas le seul à porter – attendant ses protégés The Orielles.
The Orielles, on aime toujours autant
Les Britanniques du beau label Heavenly Recordings sont à l’aise malgré leur jeune âge. Henry maîtrise clairement son engin (une guitare), alternant les sonorités recherchées, des rythmiques complexes, souvent à contretemps. La chanteuse Esme ne fait pas que faire résonner sa voix, jouant de la basse à la Sting. Une basse très présente donc, assurant une base suffisamment solide avec la batterie jouée par Sidonie pour que la guitare puisse s’amuser en toute liberté.
S’ils sont vêtus de couleurs vives, cela ne se remarque peu car The Orielles jouent sur une scène bien noire. Cela n’empêche pas les vingtenaires de prendre leur pied. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à faire retentir par moment un bruit répétitif qu’on rapprocherait faute de mieux d’un… klaxon.
Surtout, ils nous offrent un final digne de ce nom avec Sugar Tastes Like Salt, à la progression intense qui captive. Déjà un tube pour des jeunes musiciens prodiges en devenir. La mission tremplin de Rock en Seine est d’ores-et-déjà assurée.
Détour par les coulisses et vagabondages d’ouverture à Rock en Seine
En coulisses, nous interviewons les plus Britanniques des Rouennais MNNQNS, lauréats du prix Ricard Live Music, dont le post-punk brut et sauvage est un vidage de tête bienvenu avant la redoutée rentrée. Droits dans leurs bottes, beaux comme des « mannequins », ils iront loin.
Puis, c’est le quasi-black out. Mobilisés par The Orielles dans les coulisses de Rock en Seine – non content d’être leur fan, Indéflation est en fait leur ami – nous profitons par bribes des lives du jour, entre deux pintes.
On notera cependant la folie furieuse Die Antwoord. Ninja et Yolandi Visser ont littéralement tout détruit. La (maigre) audience de ce premier jour de festival ne manque pas cette fête, et l’on ressent même un vrai enthousiasme émaner de la foule. Sur un décor à la fois trash et éclairé de toutes les couleurs, les originaires du Cap mettent le feu. Un show immanquable.
| Voir aussi : live report de leur concert au Sziget Festival 2016
Sur la scène Cascade, nous ne pouvions également pas manquer les Australiens de Parcels. Musiciens de grand talent, les jeunes installés à Berlin sont plus que carrés. Alors qu’Overnight, le titre produit par Daft Punk, nous renvoie à l’été précédent, on commence à s’enflammer. Pas de chance, le concert se termine à 23h pile. Et on a raté Tieduprightnow.
Carpenter Brut concluent la journée en beauté
Sud-Africains, Australiens… Manquent les Néo-Zélandais pour un véritable tournoi de Tri-Nations à Rock en Seine 2018 ? Pas tout à fait car les français de Carpenter Brut en ont décidé autrement.
Leur live est tout simplement épique, électronique, synthés en furie… La foule, qui attendait le Français avec impatience, saute dans tous les sens devant la scène Cascade. On s’imagine en pleine route arc-en-ciel de Mario Kart, ou en plein épisode d’un Mission Impossible un peu plus dark, et un peu plus japonais. On ne sait pas. On se souvient d’avoir sauté en tout cas. Et chanté à tue-tête lorsque Carpenter Brut ont fini leur show sur une magnifique reprise de Maniac.
| Revivez tous les moments les plus fous de ce Rock en Seine 2018 via nos Stories Instagram @indeflagration – « Festivals »
Samedi 25 août 2018 ⚡️
Indésilver rejoint l’aventure Rock en Seine, il est 15h25. Le concert de Théo Lawrence & the Hearts vient tout juste de commencer.
Theo Lawrence & The Hearts ouvrent le bal
La musique est parfaitement en phase avec notre état du moment, un état transitoire. Entre un réveil tardif, encore friand de musique douce pour accompagner le retour à la terre ferme, et l’envie bouillonnante de rallumer la flamme rock festivalière. On veut crier, danser, sauter, c’est Rock en Seine, bordel ! Les jeunes crooners de Theo Lawrence & The Hearts l’ont bien compris et réconcilient yin des sonorités blues élégantes au yang de fulgurances rock énergisantes. Ils interprètent ensuite River’s Invitation en hommage à la grande et regretté Aretha Franklin. Le public est réceptif et nous le sommes également.
Vadrouille dans le parc de Saint-Cloud, découverte du Zebrock
Peu de temps avant que les rideaux ne se ferment (bien qu’il n’y en ait jamais eu), je – Indésilver – décide de m’éclipser et pars explorer les environs de Rock en Seine, à la recherche de nouvelles découvertes ou lieux insolites installées spécialement pour cette nouvelle édition. Je tombe alors sur un homme et une guitare. Ils reprennent des tubes des Beatles et autres mythes des 4 dernières décennies. Derrière lui, un autre homme commente la prestation et raconte des histoires et anecdotes autour de ces airs, que l’on croit bien connaître, mais qui cachent pourtant bien des mystères.
Un troisième homme m’interpelle pour me demander si je connais le Zebrock. Il s’agit d’une association qui cherche à sublimer la musique en la présentant comme un vecteur d’émotion et de transmission. Artistes, experts ou passionnés, viennent dans des collèges, des lycées, pour transmettre leur expérience dans le milieu de la musique et enseigner l’Histoire au travers de cet Art qui en dit long sur les forces et tendances des différentes époques. L’approche est multiple et passe par des ouvrages, des enseignements, des témoignages mais aussi des ateliers créatifs où les élèves sont invités à analyser des textes, à faire parler leur imaginaire et à créer à leur tour leurs propres oeuvres. Je suis séduit par l’approche à la fois ludique et attrayante, car raconter l’Histoire par le Rock est quand même plus sexy que de s’injecter des frises chronologiques dans le crâne sans garanti qu’il en restera quelque chose.
On notera aussi un stand de dégustation de fromages, excessivement bons. Rien que pour ça, on ne regrette définitivement pas d’être venus !
Cigarettes After Sex, doux sommeil
Cigarettes After Sex ont débuté leur live lorsque Socrate Flagrant retrouve Indésilver devant la Grande Scène. La simplicité prime avec batterie-basse-guitare, la guitare s’effaçant même souvent lorsque le chant de Greg Gonzalez paraît. Avec des balances parfaites, les chansons s’enchainent sans même que nous ne remarquions que la précédente était terminée. La voix du chanteur et guitariste au timbre unique nous berce sur K puis Nothing’s Gonna Hurt You Baby. L’ensemble est cohérent et bien orchestré, les morceaux relaxants et on se laisse porter sans trop d’effort.
La teinte de la voix rend les paroles difficilement discernables. Mais ce discours voilé ne serait-il pas voulu et assumé ?L’objectif n’est-il pas de jouer davantage sur les sonorités, les pulsions rythmiques, les vibrations, les images et l’imaginaire ? L’ensemble n’a, pour nous, rien de transcendant. Mais le rendu est agréable et, une fois là, on se surprend à ne plus vouloir partir.
Sur scène, aucune lumière, juste un fond noir embrumé et des musiciens quasi statiques. Il semblerait que les Cigarettes After Sex veulent nous faire oublier qu’ils sont physiquement là afin de laisser, seule, la musique primer. Alors que le tube Apocalypse retentit, nos lèvres frémissent un instant. Et le spectacle prend fin.
La fascinante Anna Calvi
Nous nous dirigeons vers la scène Cascade, où nous attend la sublime et mystérieuse Anna Calvi. Le début du set nous laisse songeurs. La voix est ronde et colorée, l’énergie rock parfaitement maitrisée et le jeu de guitare (une belle Fender Telecaster) excellent. Mais cette trop grande rigueur nous bloque un peu. Le tout semble comme manquer de spontanéité, de lâcher prise. Nous avons l’impression de voir une artiste qui a appris le rôle de la show(wo)man sur le bout des doigts, l’interprète avec grande efficacité mais manque peut-être un peu de spontanéité…
La performance prend cependant un tout autre tournant lorsque Anna Calvi nous interprète son excellent Don’t Beat The Girl Out of My Boy issu de son album Hunter, sorti cette année. L’artiste se jette sur le devant de la scène, les genoux au sol, le regard vers le ciel. La puissance, l’ouverture et le souffle que sa voix mobilisent sont immenses. La technique vocale est simplement hallucinante. Anna Calvi est une chanteuse, ça ne fait aucun doute. Et avec une aura et un charme tout particuliers qui nous rappellent Patti Smith ou encore Olympia, l’Australienne que nous avions tant appréciée à Bigsound Festival 2016.
Plus on l’écoute, plus on est pris dans ses filet et envoûtés par ses chants, quasi divins par moments. Anna Calvi est multiple, caméléon et experte dans bien des domaines. Sur As A Man, le spectacle prend encore une autre dimension, presque animale. Avec son regard pénétrant et son esthétique cuir-rebelle, Anna Calvi nous semble au-dessus des lois, au-dessus des hommes. Et nous ne pouvons que contempler.
King Gizzard & The Lizard Wizard, d’une précision prodigieuse
C’est au tour de King Gizzard & The Lizard Wizard de faire ses preuves sur la Grande Scène du festival. Pour commencer à comprendre ce groupe australien totalement hors-norme, fer de lance du rock psychédélique, il faut noter la configuration des musiciens totalement hors-norme
Deux batteries se font face et jouent littéralement les mêmes enchainements au tempo rapide. Même constat du côté du chant avec deux chanteurs souvent synchrones dans leurs interventions micro. S’ajoutent un claviériste jouant parfois des castagnettes, un bassiste à la chemise 15 fois trop longue et un guitariste un peu effacé dans le fond de la scène mais dont les prouesses techniques musicales sont loin d’être invisibles à nos oreilles attentives.
La recette King Gizzard & The Lizard Wizard associe des sons orientaux typiquement psychés à un tempo extrêmement rapide et une complexité rythmique folle. Comment les batteurs parviennent à rester parfaitement synchrone tout le long du set ? Aucune idée. À moins que ce ne soient 2 machines…
Vient le tour de l’inénarrable Rattlesnake, morceau complètement fou qui tire toute sa force de son nom répété environ 36 fois sur toute la durée du titre. C’est cependant surtout l’interprétation de Sleep Drifter (issu de Flying Microtonal Banana) qui nous séduit.
Malgré un son parfois saturé – Indésilver a du se munir de ses bouchons d’oreille pour continuer de profiter du spectacle -, le concert de King Gizzard & The Lizard Wizard restera un grand moment de cette journée du festival.
Liam Gallagher, toujours immanquable
Petit intermède, nous faisons un petit tour du côté de la scène des Bosquets pour prendre la température. Insecure Men nous offre un joli tableau avec des styles vestimentaires hauts en couleur. Nous ne restons qu’une dizaine de minutes, suffisamment pour apprécier le spectacle et réveiller en nous l’envie d’explorer davantage l’univers du groupe signé chez Fat Possum Records, et abritant en son sein l’un des membres de Fat White Family.
Retour à la Grande Scène de Rock en Seine, Liam Gallagher entre en scène. Les minutes qui passent nous rassurent : le rock britannique plait toujours autant, rassemblent toujours les générations. Rock’n Roll Star, Morning Glory, Some Might Say, Whatever, Supersonic… Le plus jeune des frères Gallagher nous gâte littéralement en morceaux mythiques d’Oasis ! On notera néanmoins le très bon Bold issu de son album solo sorti en 2017.
On se laisse happer, malgré une baisse d’énergie et de synergie assez remarquable par rapport à sa performance à Lollapalooza en 2017. Peut-être pour le mieux ? Liam nous livre en effet une version piano-voix intimiste et gracieuse de Champagne Supernova, issu de Morning Glory (1995), qui nous surprend et nous séduit. Liam Gallagher cloture son show sur le diptyque Wonderwall – titre qu’il apprécie peu (euphémisme) – et Live Forever. Si certaines notes s’atteignent avec effort, l’irrévérence est intacte. As you were.
Après avoir ingurgité de délicieuses crêpes jambon-fromage, nous voilà fin prêts pour la suite.
Charlotte Gainsbourg, notre coup de coeur absolu
Après son live qui avait séduit Flagrant Délice à Beauregard cette année (voir ses magnifiques clichés !), nous avions hâte de découvrir Charlotte Gainsbourg en live. Son album Rest sorti cette année n’est pas seulement noté 8,7 par Pitchfork, il est tout simplement exceptionnel. L’intervention en tant que producteurs des plus gros noms de la French Touch SebastiAn et Guy-Manuel de Homem-Christo (Daft Punk) n’y est pas étrangère, comme suffisent à en attester les passages instrumentaux d’une intensité rare, qui nous donneront des frissons pendant ce live à Rock en Seine.
Pour commencer, le décor n’a rien d’habituel. La scène Cascade est habillée de miroirs rectangulaires, pour certains suspendus au plafond, d’autres sur le sol, entre les musiciens. Leurs rotations et variations de hauteurs créent des effets de lumière blanche qui accompagnent les morceaux à la perfection.
Charlotte nous fait le plaisir d’interpréter plusieurs morceaux de son dernier album Rest sorti l’année dernière, dont la particularité – surtout en 2018 – est d’être un objet entier, s’écoutant en entier. On notera en particulier les beaux Ring-A-Ring O’Roses, Sylvia Says et Deadly Valentine.
De ses précédents albums, Heaven Can Wait (IRM) – sa collaboration avec Beck – et The Songs That We Sing (5:55), s’associent parfaitement à l’esthétique de Rest, démontrant que, si Charlotte a exploré de nouveaux territoires électroniques avec cet album, sa patte personnelle si particulière est toujours présente.
Au fil de la setlist idéale, nous vivons des moments de transe tant l’arrangement nous suspend dans le temps et l’espace. Troublés par cette chanteuse au charme très spécial, nous le sommes aussi par les lumières qui dansent au rythme des sets. Instant d’émotion lorsque la fille Gainsbourg reprend Charlotte Forever, premier morceau, écrit et composé par le père. La chanson est un petit bijou, interprétée avec grande délicatesse et pudeur. Charlotte Gainsbourg laisse entrevoir une certaine fragilité qui rend l’interprétation d’autant plus authentique et touchante. Lemon Incest parachèvera le spectacle.
On espère une seule chose, que Charlotte Gainsbourg attendra moins de 8 ans – la durée qui sépare les sorties de IRM et Rest – pour nous offrir un nouvel opus.
Le messie Jared Leto et Thirty Seconds To Mars pour nous libérer
Cette deuxième journée festivalière touche à sa fin et c’est Thirty Seconds To Mars qui sont en charge du bouquet final. L’ouverture est magistrale : le fascinant Jared Leto, drapé d’une combinaison large, flottante, très colorée et stylisée, longs cheveux noirs, le regard envoutant et le sourire brûlant, lève les bras comme pour réveiller et déchainer les esprits. Le son des basses et des tambours résonne alors, les vibrations traversent nos corps, le Messie est parmi nous !
Le rock Thirty Seconds To Mars est puissant et habité, à l’image de son créateur. De This Is War à The Kill en passant par Do Or Die, chaque morceau s’impose comme un tube en puissance et trouve une place particulière dans le show. On a l’impression de revenir au collège… Si les chansons se succèdent sans grande complexité mélodique, on se laisse happer par une nostalgie festive.
Entre chorale collective avec l’ensemble des festivaliers, appels du public à monter sur scène – « Helloooo, I need someone to go on stage » – ou sur les épaules du voisin, lâchers de confettis et ballons géant sur la foule, tous les moyens sont bons pour mettre le feu.
Cependant, malgré l’excellence du show, le public reste discret, pour ne pas dire, par moment, carrément amorphe. L’étincelle de folie peine à s’imposer cette année. Il faudra attendre le tout dernier titre pour déclencher l’euphorie générale. Comme pour prouver que rien ni personne ne résiste au grand Jared Leto. Le joker du Rock se met alors à pointer un nombre incalculable de jeunes dans le public, invités à le rejoindre sur scène : « you with the glasses, the red hat, the unicorn, and you, you, you, you, you ».
Le héros de Mr Nobody et Requiem For A Dream règle même ses comptes avec la sécurité qui ose s’interposer entre lui et ses fans. À cela, le chanteur réplique de plus bel en enchaînant les appels au point qu’on en arrive presque à se demander si la scène n’est pas davantage peuplée que ne l’est actuellement le public.
Cette dernière chanson – Closer To The Edge – est un moment d’apothéose que nous ne sommes pas prêts d’oublier et qui clôt en beauté cette 2ème journée de festival.
Dimanche 27 août 🔥
Pour cette dernière journée de Rock en Seine, je – Socrate Flagrant – navigue de nouveau en solo. Je prends mes premiers quartiers devant Confidence Man.
Confidence Man, indescriptibles
On m’en avait parlé, mais je ne m’attendais tout de même pas à ça… Je pense que personne ne peut s’attendre à ce qui se déroule sous mes yeux.
Les natifs de Brisbane (❤️) Janet Planet et Sugar Bones éclaboussent l’écran. Dans tous les sens du terme puisqu’ils ouvrent une bouteille de champagne sur le public. On regrette de ne pas s’être plus approchés…
…Cela se justifie sans doute par une foule bien plus nombreuse et dense en ce dimanche que les précédents jours, sûrement grâce à une programmation sans doute plus cohérente et intéressante.
Mais revenez-en à nos moutons, ou plutôt nos deux mannequins australiens qui changent de vêtements (littéralement) tous les deux morceaux. On retiendra de leur garde-robe fournie des ensembles à carreaux noirs et blancs qu’on leur volerait bien.
Pendant 1h, les Confidence Man enchaînent chorégraphies déstructurées, folles et absurdes, mais pourtant synchrones, qui parviennent à réveiller le public dès 16h. Le faire bouger et même le faire obéir (« everybody gets down! »).
Et la musique dans tout ça ? Les rythmiques sont intenses, originales, flirtant souvent avec des motifs afro-cubains. Les musiciens – batteur et DJ – revêtus d’un voile noir absurde et nus au-dessous (explications) font plus qu’assurer.
L’un de nos coups de coeur – Don’t You Know I’m in a Band – est l’occasion de profiter d’une danse qui ne se prend pas du tout au sérieux. Une danse sans genre, sans identité sexiste. Ou plutôt, une danse du genre propre inventé par Confidence Man. Les paroles font sourire, comme lorsque Janet lance sur Boyfriend :
All the pretty things I want, he just can’t afford
On est très heureux d’avoir pu s’offrir Confidence Man en tout cas. Surtout après l’absurde parade de sortie des deux musiciens, enchaînant pompes et autres gestes gymnastiques ratés avant de s’éclipser, toujours masqués.
Ezra Furman, flash n°2 ❤️
Après avoir attendu patiemment que le concert de Wolf Alice, beaucoup trop carré, sans grandes variations par rapport au thème principal, décolle, on se rend sur la scène des Bosquets découvrir l’étonnant Ezra Furman.
Arborant un collier de perles et du rouge à lèvres qui ferait honte à Anna Calvi (cf. journée du samedi), Ezra Furman n’a rien d’un artiste typique de 2018.
Ses premiers morceaux ont un esprit swing voire boogy-woogy, appuyé par la présence d’un saxo et d’une vieille basse (qui sera vite remplacée par une… contrebasse électronique d’ailleurs). Le chant saturé rappelle Kyle Craft, et détonne du fond musical de la même façon que celui de l’habitant de Portland.
Au fil des minutes, on parvient à mieux identifier un style jazzy, s’approchant du glam rock. Ezra Furman nous apparaît comme un nouveau Lou Reed, capable des plus douces ballades comme d’un côté destructeur de mélodies. Par ailleurs très sophistiquées ! On remarque au passage l’absence de charley sur la batterie, les toms et ride assurant l’essentiel du boulot et donnant une sonorité particulière à l’ensemble des morceaux.
Les thèmes sont déroutants, et introduits chaque fois par son auteur, au cynisme ravageur : « This song is for queers, about buying a dress », « This is about having a bad sleep schedule » (Haunted Head, un petit chef-d’oeuvre), « This is a bout gay sex when you’re a teenager » (I Lost My Innocence), « This song is about angels » ou encore « This is a positive song called I want to destroy myself ». Ce dernier est sans doute la plus belle incarnation de la capacité d’Ezra Furman à déstructurer ses mélodies et à libérer une forme de violence vocale qui marque l’esprit.
Notre morceau préféré de ce set ? Driving Down To LA, et l’exploitation encore non tout à fait digérée du xylophone. On laisse Ezra Furman vous l’introduire :
« This is a song for runaways »
Sans doute notre coup de coeur du dimanche, Ezra Furman est à suivre de très près.
IDLES et la victoire de la conjonctivite
[NB : la 2e partie du titre n’a rien à voir avec Idles]
IDLES sont des énervés. On l’avait déjà remarqué à La Route du Rock 2017. Ils n’ont pas dérogé à la règle – ou plutôt l’absence de règles – cette année.
Les guitares sont puissantes, les mélodies progressives avec des sonorités inquiétantes. La construction des morceaux tend à rappeler Deerhunter par moment, tandis que nos yeux captent l’étrange disparité de hauteurs de guitare de chacun des gratteux du groupe. De collée aux tétons à sous l’entre-jambe en passant par tout à fait standard, personne ne fait pareil.
Après un set modèle d’irrévérence, peut-être le seul à avoir fait autant réagir le public de Rock en Seine, Idles finit sur Well Done. Avant d’entonner a capella Underneath the Christmas Tree comme dernier doigt d’honneur absurde. On ne peut que s’aplatir. Bien joué, Idles.
Quant à moi, alors que Thrift Shop retentit sur la Grande Scène, je ne peux faire autrement que m’éloigner du Parc de Saint-Cloud, vaincu par une conjonctivite tenace. Je ne peux que me remémorer Macklemore au Sziget Festival 2017, tandis que le métro parisien me happe, jusqu’à un prochain concert.
Palmarès de Rock en Seine 2018 🏆
- Charlotte Gainsbourg
- Ezra Furman, Anna Calvi
- King Gizzard & The Lizard Wizard, Confidence Man, The Orielles, Idles
- BONUS SHOW & YEUX BLEUS : Thirty Seconds To Mars
- BONUS JUMP : Carpenter Brut